Température de croissance
Définition
La température est un paramètre important pour la croissance, la survie et le métabolisme des micro-organismes. Chaque espèce possède une plage de température dans laquelle elle peut se multiplier et qui est délimitée par une température minimale et maximale. Entre ces deux limites, on trouve la température optimale de croissance où le micro-organisme se développe le mieux.
Comprendre l’effet de la température sur les micro-organismes est essentiel dans de nombreux domaine de la microbiologie :
- Agro-alimentaire : optimiser la conservation des aliments et les procédés de fermentations
- Biotechnologie : favoriser la culture des micro-organismes et la production de biomolécules
- Écologie microbienne : isolement de nouveaux micro-organismes
- Médicale : stérilisation d’instruments médicaux
Quel est l’impact de la température sur la croissance ?
Selon les espèces, les micro-organismes peuvent se développer dans des plages de températures plus ou moins grands. A l’intérieur de cette zone, la vitesse de croissance va être plus ou moins rapide selon la température.
En dehors de cet intervalle, les micro-organismes peuvent survivre mais sans se développer. Certaines enzymes des micro-organismes fonctionnement, hors de cet intervalle, mais sans permettre la croissance.
Si le micro-organisme fait face à une trop grande différence de température comparée à celle où il se développe normalement cela peut lui être létal. Ceci est vrai notamment pour des températures supérieures à celle de croissance. C’est ce qui est utilisé lors de la cuisson des aliments ou l’autoclavage de milieux en microbiologie. Dans une moindre mesure, exposer un micro-organisme à des températures trop froides peut le tuer. Cette mortalité peut être expliquée par le choc provoqué par le passage entre deux températures ou par la formation de cristaux de glace autour ou à l’intérieur des micro-organismes (lorsqu’on descend en dessous de 0 °C). Néanmoins le froid n’est pas considéré comme une méthode fiable pour éliminer les micro-organismes. Seule une partie de la population est tuée, le reste étant encore viable.
Comment classer les micro-organismes selon leur température de croissance ?
Plusieurs groupes ont été créés pour classer les micro-organismes selon la gamme de température dans laquelle ils se développent. Il n’y a pas de consensus sur les valeurs qui définissent les limites de ces groupes et des chiffres légèrement différents peuvent être trouvés dans la littérature scientifique [2].
Les micro-organismes psychrophiles, thermophiles et hyperthermophiles sont souvent appelés « extrémophiles » car ils peuvent se développer dans des environnements considérés comme « extrêmes » pour la vie humaine. Cependant ce point de vue est anthropocentrique car pour les micro-organismes qui se sont adaptés à ces environnements, leur condition est naturelle.
Psychrophile
Les micro-organismes psychrophiles sont trouvés dans des environnements froids comme les pergélisols, les profondeurs océaniques ou les régions polaires. Ces micro-organismes ont une température optimale de croissance inférieure à 15 °C. Le terme cryophile est parfois utilisé en plus de psychrophile [3].
Colwellia psychrerythraea est une bactérie, isolée en 2000 à partir de sédiments marins dans l’Arctique, qui se développe de -14 à 19 °C avec un optimum à 8 °C. Elle est encore capable de nager à -10 °C. Cette bactérie produit de nombreuses enzymes intéressantes en biotechnologie car elles fonctionnant à des températures basses.
Adaptations au froid
Se développer à ces faibles températures impose de faire face à de nombreux défis tels qu’une fluidité membranaire plus faible ou la formation de cristaux de glace [8]. La production de pigments aide à maintenir la fluidité membranaire tandis que la formation des cristaux peut être limitée par la production de protéines qui se fixent à ces cristaux ou de biofilm qui limite la formation de la glace.
Utilisation en biotechnologies
Les enzymes produites par ces micro-organismes sont intéressantes car elles fonctionnent à de faibles températures. Par exemple, elles sont intéressantes pour l’industrie des détergents car elle permettent de faire des lessives sans avoir besoin de chauffer l’eau ce qui représente une économie d’énergie.
Mésophile
La plupart des pathogènes humains ainsi que de micro-organismes utilisés pour la fermentation sont des mésophiles. La température de croissance optimale de ces micro-organismes est comprise entre 15 et 50 °C.
Escherichia coli, un des micro-organismes modèles fréquemment utilisé en laboratoire, est capable de se développer de 8 à 46 °C avec un optimum à 41 °C [5].
Certains micro-organismes mésophiles peuvent se développer à moins de 15 °C. On utilise les mots psychrotrophe et psychrotolérant pour ces micro-organismes pouvant se développer en dessous de 15 °C mais ayant leur température optimale de croissance supérieure à cette température. C’est par exemple le cas de Listeria monocytogenes qui peut se développer à 4 °C (température d’un frigo) ou de la bactérie Planococcus halocryophilus Or1 qui est celle connue pour se développer aux températures les plus basses recensées [3].
Des expériences ont montré que Planococcus halocryophilus Or1 peut se multiplier de -15 jusqu’à 37 °C avec un optimum à 25 °C (elle est donc mésophile). En dessous de -15 °C, Planococcus halocryophilus Or1 n’est plus capable de se développer. Par contre des réactions biochimiques sont encore détectées à -20 °C, chez cette bactérie, même si elles ne suffisent pas à assurer la croissance.
Thermophile
Les micro-organismes thermophiles sont principalement des bactéries, des archées et quelques mycètes dont la température de croissance optimale est comprise entre 50 et 80 °C.
Geobacillus stearothermophilus est un exemple de bactérie thermophile se développant de 34 à 68 °C avec un optimum à 62 °C [6]. Elle peut être utilisée comme bio-indicateur d’efficacité des autoclaves, en bioréhabilitation ou pour la production d’enzymes thermostables et de biocarburants. Elle est fréquemment retrouvée lors de la détérioration de produits alimentaires.
Hyperthermophile
Les micro-organismes hyperthermophile ont une température de croissance optimale supérieure à 80 °C. Ces organismes sont majoritairement des archées mais on retrouve aussi des bactéries. Le premier organisme hyperthermophile a été isolé dans le parc de Yellow Stone aux USA en 1972 : Sulfolobus acidocaldarius [7].
Record de température
Le record de croissance à la plus haute température est tenu par Methanopyrus kandleri 116, une archée capable de se développer de 90 jusqu’à 122 °C.
Utilisations en biotechnologies
Les enzymes de micro-organismes hyperthermophiles sont intéressantes en biotechnologies car à ces températures, il y a une baisse de la viscosité de l’eau et une meilleur diffusion des substrats ce qui accélère les réactions biochimiques. A cela s’ajoute une inhibition des micro-organismes mésophiles ce qui limite le risque de contamination des fermenteurs.
Virus
Des virus sont retrouvés à chacune de ces zones de températures et ciblent les micro-organismes qui s’y développent [9]. Le terme “température de croissance” n’est pas adapté aux virus car celle-ci va dépendre de leur hôte. C’est le cas par exemple du bactériophage Colwelliaphage 9A qui infecte les bactéries psychorphiles Colwellia demingiae ACAM 459T et Colwellia psychrerythraea 34H mais à des températures légèrement différentes [10].
Références bibliographiques
[1] Oscar, T. P. (2002). Development and validation of a tertiary simulation model for predicting the potential growth of Salmonella typhimurium on cooked chicken. International Journal of Food Microbiology, 76(3), 177–190. doi:10.1016/s0168-1605(02)00025-9 (lien)
[2] Jensen, D. B., Vesth, T. C., Hallin, P. F., Pedersen, A. G., & Ussery, D. W. (2012). Bayesian prediction of bacterial growth temperature range based on genome sequences. BMC genomics, 13 Suppl 7(Suppl 7), S3. doi.org/10.1186/1471-2164-13-S7-S3 (lien)
[3] Cavicchioli R. (2016). On the concept of a psychrophile. The ISME journal, 10(4), 793–795. doi.org/10.1038/ismej.2015.160 (lien)
[a] Methé, B. A., Nelson, K. E., Deming, J. W., Momen, B., Melamud, E., Zhang, X., Moult, J., Madupu, R., Nelson, W. C., Dodson, R. J., Brinkac, L. M., Daugherty, S. C., Durkin, A. S., DeBoy, R. T., Kolonay, J. F., Sullivan, S. A., Zhou, L., Davidsen, T. M., Wu, M., Huston, A. L., … Fraser, C. M. (2005). The psychrophilic lifestyle as revealed by the genome sequence of Colwellia psychrerythraea 34H through genomic and proteomic analyses. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 102(31), 10913–10918. doi.org/10.1073/pnas.0504766102 (lien)
[5] Ingraham, J. L. (1958). Growth of psychrophilic bacteria. Journal of bacteriology, 76(1), 75-80. (lien)
[4] Mykytczuk, N. C., Foote, S. J., Omelon, C. R., Southam, G., Greer, C. W., & Whyte, L. G. (2013). Bacterial growth at -15 °C; molecular insights from the permafrost bacterium Planococcus halocryophilus Or1. The ISME journal, 7(6), 1211–1226. doi.org/10.1038/ismej.2013.8 (lien)
[6] Kakagianni, M., Gougouli, M., & Koutsoumanis, K. P. (2016). Development and application of Geobacillus stearothermophilus growth model for predicting spoilage of evaporated milk. Food Microbiology, 57, 28-35. doi.org/10.1016/j.fm.2016.01.001 (lien)
[7] Chen, L., Brügger, K., Skovgaard, M., Redder, P., She, Q., Torarinsson, E., Greve, B., Awayez, M., Zibat, A., Klenk, H. P., & Garrett, R. A. (2005). The genome of Sulfolobus acidocaldarius, a model organism of the Crenarchaeota. Journal of bacteriology, 187(14), 4992–4999. doi.org/10.1128/JB.187.14.4992-4999.2005 (lien)
[8] Collins, T., & Margesin, R. (2019). Psychrophilic lifestyles: Mechanisms of adaptation and biotechnological tools. Applied microbiology and biotechnology, 103, 2857-2871. doi.org/10.1007/s00253-019-09659-5 (lien)
[9] Manuel, R. D., & Snyder, J. C. (2024). The expanding diversity of viruses from extreme environments. International journal of molecular sciences, 25(6), 3137. doi.org/10.3390/ijms25063137 (lien)
[10] Wells, L. E., & Deming, J. W. (2006). Characterization of a cold-active bacteriophage on two psychrophilic marine hosts. Aquatic microbial ecology, 45(1), 15-29. doi.org/10.3354/ame045015 (lien)