Quelle planche à découper choisir pour limiter les contaminations bactériennes ?

Posté : 17 janvier 2021 / Mis-à-jour : 12 mai 2024


Temps de lecture : 11 minutes

Les planches à découper sont un ustensile de base en cuisine. Elles permettent de protéger le plan de travail et également le tranchant de la lame du couteau. Ces planches peuvent être trouvées en différentes matières telles que le bois ou le plastique. Le choix de la matière a t-il un rôle en terme d’hygiène ? Quelle matière permet le mieux de protéger des contaminations alimentaires ?

Les planches à découper peuvent-elles représenter un problème d’hygiène ?

Les aliments utilisés en cuisine peuvent contenir des micro-organismes pathogènes. C’est notamment le cas de la viande et de la volaille qui peuvent être contaminées, lors de l’abattage, par les bactéries présentes dans le tube digestif de l’animal [1]. Ces bactéries peuvent ensuite être retrouvées sur les ustensiles de cuisine, ce qui présente un risque d’infections alimentaires.

Les bactéries présentes dans le tube digestif des animaux peuvent contaminer la viande.
Contamination de la viande de volaille par des micro-organismes.

Le transfert d’un micro-organisme depuis un aliment vers un ustensile de cuisine a été étudié de façon scientifique. Par exemple, une étude réalisée dans la cuisine de l’hôpital universitaire de Bâle a mis en évidence, après la préparation de volailles, la présence sur des planches à découper d’une souche d’Escherichia coli résistante à un antibiotique [2]. Cette bactérie provenait de la volaille cuisinée sur ces planches. Ces résultats ont été confirmés en analysant également des planches à découper provenant de la cuisine de particuliers, après découpage de volailles.

Contamination de planches à découper
Résumé de l’étude sur les planches à découper dans l’hôpital universitaire de Bâle. L’étude a permis de détecter une bactérie pathogène sur des planches à découper provenant d’un hôpital et de cuisines de particuliers suite à la préparation de volailles.

Les bactéries pathogènes telles que celles trouvées dans la viande peuvent être inactivées lors de la cuisson (si celle-ci est réalisée assez longtemps et à la bonne température). Néanmoins ces bactéries peuvent contaminer d’autres aliments qui eux ne seront pas cuits. Par exemple, si deux aliments sont coupés sur la même planche, sans nettoyage.

Pour le prouver, des scientifiques ont utilisé des morceaux de poulets, contaminés artificiellement avec l’espèce de bactérie pathogène Salmonella Enteritidis, sur une planche à découper [3]. Après avoir préparé ces morceaux de poulets, ils ont ensuite découpé des tomates sur la même planche sans la nettoyer. La bactérie présente initialement dans le poulet a été retrouvée dans la tomate coupée. Cela peut représenter un danger car la tomate ne sera pas cuite comme la viande mais servie crue. Les bactéries présentes dans la tomate ne seront donc pas inactivées par la cuisson. On parle de contamination croisée entre deux aliments pour désigner ce genre de scénario.

Exemple de contamination croisée
Contamination croisée entre deux aliments.

Pour éviter ces contaminations croisées, dans les grandes cuisines, un code couleur est appliqué aux planches à découper. Cela permet de réserver celles-ci pour certains types d’aliments et ainsi de limiter les contaminations croisées.

Exemple de code couleur utilisé pour les planches à découper.

Quel matériel choisir pour sa planche à découper ?

Les planches à découper sont généralement fabriquées en bois ou en plastique. Ces deux matériaux sont assez souples et n’abiment pas la lame du couteau lors de la découpe. Des planches à découper sont également fabriquées en verre et en pierre mais ces matériaux sont durs et risquent d’abimer la lame du couteau lors de la découpe. Il faudra donc aiguiser plus souvent la lame de son couteau lors de l’utilisation de ces planches.

Échelle de dureté
La dureté de différents matériaux peut être mesurée par des méthodes comme celle de Brinell.

Outre la préservation de la lame du couteau, d’autres critères rentrent en compte dans le choix de la planche à découper. Si la planche en plastique est trop fragile, elle risque d’être découpée par le couteau et de faire tomber des copeaux de plastique dans la nourriture. Qu’en est-il d’un point de vue microbiologique ?

Les bactéries survivent-elles à la surface des planches à découper ?

Plusieurs études ont comparé la survie de bactéries sur des planches à découper [3-10]. Ces études utilisent des protocoles différents dont il ressort plusieurs points communs. Les planches à découper peuvent être contaminées artificiellement en les immergeant dans un liquide contenant des bactéries ou alors en déposant directement une goutte de suspension bactérienne sur la surface de la planche. Les bactéries sont ensuite recherchées à la surface de la planche après une période de temps plus ou moins longue.

Schéma du protocole pour l'étude de la survie des bactéries à la surface d'une planche à découper
Les planches sont découpées pour avoir des dimensions comparables. Elles sont ensuite stérilisées (par exemple par autoclavage). Une suspension bactérienne est déposée sur la planche pour la contaminer. Une fois l’eau évaporée, les bactéries sont recherchées sur la planche (par exemple par écouvillonnage).

Ces tests ont été réalisés par plusieurs équipes de scientifiques et ce avec plusieurs espèces de bactéries et plusieurs matériaux pour la planche à découper. Il ressort de ces études que les bactéries survivent mieux sur les planches plastiques que sur celles en bois. Cela suggère que le bois serait une matière plus sûre que le plastique en terme d’hygiène.

Comment les bactéries se développent-elles sur une surface en bois ?

Comment expliquer qu’il y ait moins de bactéries qui survivent sur une surface en bois que sur le plastique ? Cela pourrait être dû au fait que les bactéries pénètrent à l’intérieur du bois qui est un milieu poreux. Bien qu’à l’œil nu, un morceau de bois semble compact, il est traversé par de nombreux canaux microscopiques. Ceux-ci sont nommés vaisseaux de xylème ou de phloème et servent à la circulation de la sève dans l’arbre. Pour simplifier la structure du bois, on peut le considérer comme un ensemble de pailles creuses collées les unes aux autres. Selon l’axe que l’on utilise pour couper le bois, ces canaux microscopiques vont être découpés dans un sens différent.

Schéma des canaux microscopiques traversant le bois.
Schéma simplifié de la structure microscopique du bois. Cette structure peut être comparée à un ensemble de pailles creuses qui correspondent aux canaux microscopiques permettant le passage de la sève.

Les bactéries présentes à la surface du bois peuvent pénétrer dans ces canaux microscopiques. Cela a été démontré par des scientifiques en découpant la surface des planches en bois puis en observant les différentes sections au microscope par exemple [5]. Il a été ainsi possible de retrouver des bactéries en dessous de la surface démontrant cette absorption.

En plus de la pénétration dans les canaux microscopiques du bois, la diminution du nombre de bactéries sur le bois pourrait aussi s’expliquer par deux phénomènes l’un physique et l’autre chimique. Le bois est une substance dite « hygroscopique » car il est capable de capturer de l’humidité (un peu comme les sachets absorbeurs d’humidité). L’eau étant ainsi absorbée par le bois, elle n’est plus disponible pour permettre la croissance des micro-organismes. L’autre hypothèse pour expliquer l’inactivation des bactéries serait la présence de molécules bactéricides dans le bois comme des tanins. Néanmoins, l’importance exacte de ces différents phénomènes n’a pas été déterminée.

Hypothèses pour expliquer la diminution de la survie des bactéries sur une planche à découper en bois
Principales hypothèses pour expliquer la diminution du nombre de bactéries sur les surfaces en bois.

La variété de bois est-elle importante pour la survie des bactéries ?

Une étude a comparé la survie de bactéries sur des planches en bois de plusieurs variétés [5]. Les résultats indiquent que les bactéries sont éliminées plus rapidement sur le pin que l’épicéa, le hêtre ou le peuplier. La variété de bois interviendrait donc dans la survie des bactéries. Ces différences pourraient s’expliquer par le fait que selon la variété d’arbre utilisée, le nombre, la taille ou la disposition des canaux microscopiques dans le bois varient ainsi que la composition en tanins. Malheureusement, certaines études scientifiques ne précisent pas la variété de bois ou alors le fil du bois (sens des canaux microscopiques), ce qui rend compliquée la comparaison des études entre elles.

La présence d’entailles et de rainures influence-t-elle la survie des bactéries ?

La présence de rainures et d’entailles dues au couteau est une caractéristique importante dans le transfert de micro-organismes d’un aliment à un autre. En effet, ces rainures fournissent un abri pour les micro-organismes. Une étude a comparé des planches neuves et d’autres entaillées [6]. Les résultats montrent que ces entailles augmentent le nombre de micro-organismes trouvés sur la surface des planches et ainsi la contamination des aliments. Cela est vrai aussi bien pour le bois que pour le plastique.

Planche à découper avec ou sans rainures

Des biofilms peuvent-ils se former sur des planches à découper ?

Certaines bactéries, lorsqu’elles se fixent à une surface s’entourent d’une substance plus ou moins visqueuse appelée biofilm. Cela leur permet de s’attacher à la surface, de mieux survivre et de se protéger contre des dangers de l’environnement. Une étude a ainsi montré que la bactérie Salmonella est capable de former des biofilms aussi bien sur des planches à découper en plastique que sur celles en bois [10]. Cette bactérie se développe même mieux sur le bois ce qui serait dû à la présence des canaux microscopiques dans lesquels le biofilm peut se propager. Cette étude analyse également des planches à découper en verre en plus de celles en bois ou plastique. Les résultats indiquent que le verre serait le matériel sur lequel la formation de biofilm est la plus faible et donc le plus hygiénique.

Formation de biofilms à la surface de planches à découper.
Schéma d’un biofilm se développant sur une planche en bois ou en plastique.

Comment laver une planche à découper ?

Choisir le bon matériau pour une planche à découper, c’est aussi regarder si celui-ci est facile à laver. Le lavage va dépendre de plusieurs paramètres que l’on retrouve dans le cercle de Sinner ou TACT (température, action mécanique, concentration du détergent et temps). Pour améliorer l’efficacité du lavage, il faut augmenter l’un (ou plusieurs) de ces paramètres.

Cercle de Sinner
Cercle de Sinner, celui-ci est nommé en hommage au Dr. Herbert Sinner ayant travaillé dans la société Henkel.

Les planches à découper en bois sont plus difficiles à nettoyer que celles en plastique à cause des canaux microscopiques qu’elles contiennent. En effet, il faudrait un jet d’eau plus important pour rentrer à l’intérieur de ces canaux microscopiques. De plus, il est déconseillé de laver des planches en bois au lave-vaisselle. L’utilisation d’un microscope électronique permet d’observer que le bois se déforme et que la taille des canaux augmente lors d’un lavage avec un lave-vaisselle [8].

Nettoyer une planche à découper avec un torchon ou juste la rincer avec de l’eau n’est pas suffisant pour éliminer les bactéries. L’utilisation d’un détergent facilite l’élimination des bactéries [3]. Nettoyer avec du jus de citron et du sel est souvent conseillé, sur les sites de cuisines, pour laver les planches à découper. Cette méthode repose sur l’acidité du jus de citron et de la forte concentration en sel pour éliminer les micro-organismes. Néanmoins, cette méthode n’a pas été analysée dans le cadre d’études scientifiques. Il n’est donc pas possible de comparer l’efficacité de cette méthode avec d’autres.

Méthodes pour laver les planches à découper.
Se contenter de rincer la planche à découper ou de l’essuyer avec un torchon n’est pas suffisant. Laver les planches avec du sel et le citron est souvent conseillé. Des solutions de nettoyages à base d’enzymes sont aussi proposées. Mais dans ces deux cas, il n’y a pas d’études scientifiques comparant l’efficacité de ces méthodes pour les planches à découper.

D’autres approches ont été testées, pour le nettoyage de planches à découper, comme l’eau électrolysée qui est utilisée comme agent anti-microbien. L’eau élec­tro­ly­sée est obte­nue en fai­sant pas­ser un cou­rant élec­trique dans de l’eau conte­nant un sel dis­sous. On obtient ainsi de l’eau électrolysée acide qui contient de l’a­cide hypo­chlo­reux (HOCl) et qui possède des propriétés anti-microbiennes ainsi que de l’eau électrolysée basique avec des effets dégraissants. Des expériences avec de l’eau électrolysée (acide ou neutre) montrent qu’elle est aussi efficace pour le nettoyage de planches à découper [11-12].

Conclusion

Déterminer quelle est la matière la plus hygiénique pour une planche à découper n’est pas un sujet aussi anodin que ça. Plusieurs équipes de scientifiques se sont penchées sur cette question mais un consensus semble difficile à trouver pour le moment. Le plastique et le bois possèdent chacun des avantages et des inconvénients. Néanmoins ces deux matières sont un compromis comparé au verre qui est plus hygiénique mais qui peut s’avérer trop dur pour les couteaux et les abimer.

Ces recherches apportent des pistes sur la méthode optimale de nettoyage des planches ou comment utiliser un code couleur pour limiter les contaminations croisées. De plus l’utilisation d’une planche à découper avec de nombreuses rainures est déconseillée.

Références bibliographiques

[1] Rasschaert, G., De Zutter, L., Herman, L., & Heyndrickx, M. (2020). Campylobacter contamination of broilers: The role of transport and slaughterhouse. International Journal of Food Microbiology, 108564. doi:10.1016/j.ijfoodmicro.2020.108564 (lien)

[2] Tschudin-Sutter, S., Frei, R., Stephan, R., Hächler, H., Nogarth, D., & Widmer, A. F. (2014). Extended-spectrum β-lactamase (ESBL)–producing Enterobacteriaceae: A threat from the kitchen. Infection Control & Hospital Epidemiology, 35(05), 581–584. doi:10.1086/675831 (lien)

[3] Soares VM, Pereira JG, Viana C, Izidoro TB, Bersot Ldos S, Pinto JP. (2012). Transfer of Salmonella Enteritidis to four types of surfaces after cleaning procedures and cross-contamination to tomatoes. Food Microbiol. Jun;30(2):453-6. doi: 10.1016/j.fm.2011.12.028. (lien)

[4] Carpentier, B. (1997). Sanitary quality of meat chopping board surfaces: A bibliographical study. Food Microbiology, 14(1), 31–37. doi:10.1006/fmic.1996.0061 (lien)

[5] Schönwälder, A., Kehr, R., Wulf, A., & Smalla, K. (2002). Wooden boards affecting the survival of bacteria? Holz Als Roh- Und Werkstoff, 60(4), 249–257. doi:10.1007/s00107-002-0300-6 (lien)

[6] Tang, J. Y. H., Nishibuchi, M., Nakaguchi, Y., Ghazali, F. M., Saleha, A. A., & Son, R. (2011). Transfer of Campylobacter jejuni from raw to cooked chicken via wood and plastic cutting boards. Letters in Applied Microbiology, 52(6), 581–588. doi:10.1111/j.1472-765x.2011.03039.x (lien)

[7] Dantas, S. T. A., Rossi, B. F., Bonsaglia, E. C. R., Castilho, I. G., Hernandes, R. T., Fernandes, A., & Rall, V. L. M. (2018). Cross-contamination and biofilm formation by Salmonella enterica Serovar Enteritidis on various cutting boards. Foodborne Pathogens and Disease, 15(2), 81–85. doi:10.1089/fpd.2017.2341 (lien)

[8] Welker, C., Faiola, N., Davis, S., Maffatore, I., & Batt, C. A, (1997) Bacterial retention and cleanability of plastic and wood cutting boards with commercial food service maintenance practices. J Food Prot 1 April 1997; 60 (4): 407–413. doi: https://doi.org/10.4315/0362-028X-60.4.407 (lien)

[9] Ak, N. O., Cliver, D. O., & Kaspar, C. W. (1994) Decontamination of plastic and wooden cutting boards for kitchen use. J Food Prot 1 January 1994; 57 (1): 23–30. doi.org/10.4315/0362-028X-57.1.23 (lien)

[10] Dantas, S. T. A., Rossi, B. F., Bonsaglia, E. C. R., Castilho, I. G., Hernandes, R. T., Fernandes, A., & Rall, V. L. M. (2018). Cross-Contamination and biofilm formation by Salmonella enterica serovar Enteritidis on various cutting boards. Foodborne Pathogens and Disease, 15(2), 81–85. doi:10.1089/fpd.2017.2341 (lien)

[11] Al-Qadiri, H. M., Ovissipour, M., Al-Alami, N., Govindan, B. N., Shiroodi, S. G., & Rasco, B. (2016). Efficacy of neutral electrolyzed water, quaternary ammonium and lactic acid-based solutions in controlling microbial contamination of food cutting boards using a manual spraying technique. Journal of Food Science, 81(5), M1177–M1183. doi:10.1111/1750-3841.13275 (lien)

[12] Chiu, T.-H., Duan, J., Liu, C., & Su, Y.-C. (2006). Efficacy of electrolysed oxidizing water in inactivating Vibrio parahaemolyticus on kitchen cutting boards and food contact surfaces. Letters in Applied Microbiology, 43(6), 666–672. doi:10.1111/j.1472-765x.2006.02006.x (lien)

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