Les bactéries sont-elles un risque pour les lutteurs de sumo ?
Posté : 8 juillet 2021 / Mis-à-jour : 7 avril 2024
Temps de lecture : 8 minutes
Les blessures sont courantes dans les sports de combats tel que le sumo. En plus des blessures physiques, des infections par des micro-organismes peuvent survenir suite aux combats. Plusieurs études scientifiques ont mis en évidence la transmission d’infections entre lutteurs. Ces études visent aussi à savoir quels micro-organismes sont présents dans les salles de sports pour prévenir d’éventuellement contaminations [1-4]. Des scientifiques japonnais se sont notamment penchés sur les bactéries présentes dans le sol du terrain utilisé pour les combats de sumo.
Quel est le lien entre sport de combats et infections par des micro-organismes ?
La surface de la peau humaine est couverte de micro-organismes. En effet, la peau présente un rôle de « barrière » pour empêcher le passage des micro-organismes et les maintient à l’extérieur du corps. Lors de contacts directs entre deux peaux, des micro-organismes peuvent ainsi être transférés d’un sportif à l’autre. Les blessures (coupures ou petites plaies) acquises lors du combat réduisent l’efficacité de « barrière » de la peau et favorisent ainsi l’entrée des micro-organismes dans le corps humain. Les micro-organismes peuvent aussi être transférés par des contacts indirects entre les sportifs, c’est-à-dire déposés sur des surfaces ou des équipements.
Lors d’infections chez des sportifs en plus de la maladie il y a une perte de temps d’entrainement pour les lutteurs voir même une perte de confiance. Lors de certains événements sportifs, les lutteurs avec des lésions sur la peau ne sont pas acceptés lors de compétitions.
Le sumo et infections par des micro-organismes
Le sumo est un sport de combat emblématique du Japon, durant lequel des blessures sont possibles. Notamment car les lutteurs, appelés rikishis ou sumōtoris, disposent de peu d’équipements de protections. Ils portent seulement une bande de tissu enroulée autours des reins et de l’entrejambe : le mawashi. Lorsque les sumos tombent, leur peau est donc directement en contact avec le sol. Les plaies issues de ces blessures sont des « portes d’entrées » pour des micro-organismes.
Au japon, à plusieurs reprises l’hospitalisation de sumōtori ont conduit à détecter des épidémies. Des enquêtes sur ces infections ont permis de démontrer qu’elles étaient dues à la pratique de ce sport et provenaient des clubs de sumo. Par exemple, la moisissure Trichophyton tonsurans (tinea gladiatorum) responsable d’infections de la peau appelées dermatophytoses a été détectée, au Japon, chez 186 judoka et 32 sumos [5]. Des contaminations entre sumōtoris par le virus de l’hépatite B ont été détectées dans au moins deux clubs [6 ; 7]. Des virus de la famille Herpes ont aussi été détectés chez des sumōtoris et ont même été fatal pour l’un d’entre eux [8].
Les scientifiques supposent que le mode de vie traditionnelle des sumos, en écurie (heya), aurait favorisé ces échanges. Les entrainements ne sont pas forcément arrêtés lors de petites blessures ce qui peut augmente la probabilité d’infections. De plus le stress lié aux régimes alimentaires ou aux compétitions peuvent avoir un rôle négatif sur la santé et donc aussi faciliter les infections.
Où se déroulent les combats de sumo ?
Les combats de sumo ont lieu dans un cercle de bottes de pailles placées sur une plateforme d’argile appelée dohyō. Avant chaque combat, du sel est jeté sur le terrain pour le purifier, selon les traditions shintoïstes.
Quelles sont les bactéries présentes sur un dohyō ?
Des échantillons de sols ont été obtenus du dohyō de l’université de sciences du sport Nittaidai et du stade de sumo Kokugikan à Tokyo. Des prélèvements du sol sont réalisées durant les quatre saisons de l’année. À partir de ces prélèvements les bactéries sont cultivées et identifiées via un appreil automatisé (VITEK® 2 ; BioMérieux).
Un total de 32 bactéries ont été identifiées dans cette étude. Des bactéries pathogènes comme Staphylococcus aureus ou Bacillus cereus sont détectées dans le sol, lors de cette étude. Elles peuvent présenter un risque pour les lutteurs lors de blessures, par exemple Staphylococcus aureus qui est connue pour être responsable d’infections purulentes de la peau comme l’impétigo ou des abcès.
Les bactéries détectées, dans le sol dohyō, varient en fonction des saisons de l’année. Par exemple, la bactérie Bacillus sphaericus est abondante l’été mais retrouvée de façon plus faible lors des autres saisons. Les auteurs supposent que ces variations d’abondances sont liées aux différences de températures entre les saisons de l’année. Au contraire, Bacillus megaterium, l’une des bactéries les plus abondantes dans ce sol est détectée, de façon constante, lors des quatre saisons. Elle représente environ 15 % des bactéries présentes. Cette bactérie est connue pour être halophile, c’est-à-dire pouvoir se développer en présence de fortes concentrations en sel [9], ce qui coïncide avec le sel jeté sur le terrain.
Un grain de sel
Les quantités importantes de sel jetées sur le terrain peuvent influencer les bactéries présentes dans le sol. Après chaque match, le sol est remué puis mis à niveau ce qui conduit à une répartition homogène du sel. Cette étude indique que le sol du dohyō contient initialement 0,006 % de sel avant un tournoi. Plusieurs prélèvements lors d’une compétition de sumo révèlent que la pourcentage de sel dans le sol atteint entre 32 et 47 %.
Cet ajout de sel conduit à une diminution du nombre de bactérie présentes dans le sol au début du tournoi. Puis au fur et à mesure du tournoi, la communauté de bactéries se modifie et le nombre de bactéries augmente. La communauté bactérienne était composée, avant le tournoi, à 92 % de bacille à coloration de Gram négative est remplacée par d’autres bactéries et diminue jusqu’à 10 à 12 %. En parallèle des bacilles et des coques à coloration de Gram positive sont plus présents durant le tournoi.
Perspectives de l’étude
La majorité des bactéries détectées, dans ce sol, sont retrouvées naturellement dans l’environnement. Certaines telles que Staphylococcus aureus sont connues pour être responsables d’infections de la peau et peuvent présenter un danger pour les sumōtoris. Mieux connaître les bactéries présentes dans ce sol pourrait permettre à terme de proposer des solutions pour nettoyer / désinfecter le dohyō et ainsi prévenir des infections [3]. Un meilleur suivi médical des sportifs est également facilité via de telles études scientifiques.
Référence de l’étude
Osafune, T., Mitsuboshi, M., Ito, T., Aoki, S., Ehara, T., Hashiguchi, H., & Minami, K. (2007). Analysis of bacterial flora in dohyo soil. Environmental health and preventive medicine, 12(1), 11–16. https://doi.org/10.1007/BF02898187 (lien)
Pour plus d’informations
[1] Peterson, A. R., Nash, E., & Anderson, B. J. (2019). Infectious disease in contact sports. Sports health, 11(1), 47–58. doi.org/10.1177/1941738118789954 (lien)
[2] Nowicka, D., Bagłaj-Oleszczuk, M., & Maj, J. (2020). Infectious diseases of the skin in contact sports. Advances in clinical and experimental medicine : official organ Wroclaw Medical University, 29(12), 1491–1495. doi.org/10.17219/acem/129022 (lien)
[3] Martykanova, D. S., Davletova, N. C., Zemlenuhin, I. A., Volchkova, V. I., Mugallimov, S. M., Ahatov, A. M., Laikov, A. V., Markelova, M. I., Boulygina, E. A., Lopukhov, L. V., & Grigoryeva, T. V. (2019). Skin microbiota in contact sports athletes and selection of antiseptics for professional hygiene. BioMed research international, 2019, 9843781. doi.org/10.1155/2019/9843781 (lien)
[4] Young, L. M., Motz, V. A., Markey, E. R., Young, S. C., & Beaschler, R. E. (2017). Recommendations for best disinfectant practices to reduce the spread of infection via wrestling Mats. Journal of athletic training, 52(2), 82–88. doi.org/10.4085/1062-6050-52.1.02 (lien)
[5] Anzawa, K., Mochizuki, T., Nishibu, A., Ishizaki, H., Kamei, K., Takahashi, Y., Fujihiro, M., & Shinoda, H. (2011). Molecular epidemiology of Trichophyton tonsurans strains isolated in Japan between 2006 and 2010 and their susceptibility to oral antimycotics. Japanese journal of infectious diseases, 64(6), 458–462. (lien)
[6] Kashiwagi, S. (1982). An Outbreak of Hepatitis B in Members of a High School Sumo Wrestling Club. JAMA: The Journal of the American Medical Association, 248(2), 213. doi:10.1001/jama.1982.03330020057030
[7] Bae, S. K., Yatsuhashi, H., Takahara, I., Tamada, Y., Hashimoto, S., Motoyoshi, Y., Ozawa, E., Nagaoka, S., Yanagi, K., Abiru, S., Komori, A., & Ishibashi, H. (2014). Sequential occurrence of acute hepatitis B among members of a high school Sumo wrestling club. Hepatology research : the official journal of the Japan Society of Hepatology, 44(10), E267–E272. doi.org/10.1111/hepr.12237 (lien)
[8] Ban, F., Asano, S., Ozawa, S., Eda, H., Norman, J., Stroop, W. G., & Yanagi, K. (2008). Analysis of herpes simplex virus type 1 restriction fragment length polymorphism variants associated with Herpes gladiatorum and Kaposi’s varicelliform eruption in sumo wrestlers. The Journal of general virology, 89(Pt 10), 2410–2415. doi.org/10.1099/vir.0.2008/003368-0 (lien)
[9] Mishra, R. R., Prajapati, S., Das, J., Dangar, T. K., Das, N., & Thatoi, H. (2011). Reduction of selenite to red elemental selenium by moderately halotolerant Bacillus megaterium strains isolated from Bhitarkanika mangrove soil and characterization of reduced product. Chemosphere, 84(9), 1231–1237. doi.org/10.1016/j.chemosphere.2011.05.025 (lien)
[10] Vary, P. S., Biedendieck, R., Fuerch, T., Meinhardt, F., Rohde, M., Deckwer, W.-D., & Jahn, D. (2007). Bacillus megaterium—from simple soil bacterium to industrial protein production host. Applied Microbiology and Biotechnology, 76(5), 957–967. doi:10.1007/s00253-007-1089-3 (lien)
Catégorie santé
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