Fumer du cannabis augmente-t-il le risque d’avoir des caries ?

Posté : 22 février 2022 / Mis-à-jour : 7 avril 2024


Temps de lecture : 6 minutes

Catégorie : Santé

L’usage thérapeutique du cannabis fait débat dans de nombreux pays. Des études scientifiques indiquent que cette plante pourrait être utilisée à des fins médicales pour réduire les douleurs ou l’anxiété [1]. Néanmoins, elle présente aussi des effets négatifs notamment pour l’apprentissage, la santé mentale ou pour l’hygiène bucco-dentaire. Le suivi médicale de personnes fumant du cannabis montre en effet une plus mauvaise hygiène dentaire comparée à celle des personnes n’en consommant pas [2]. Pare exemple, le risque de parodontite, une maladie du tissu entourant la dent d’origine bactérienne, est plus importantes chez les personnes fumant du cannabis. La présence de caries, une autre maladie causée par des bactéries est-elle aussi augmentée chez les personnes fumant du cannabis ?

Schéma d'une carie

C’est quoi le cannabis ?

Le cannabis correspond à un groupe de plantes : Cannabis sativa, Cannabis indica et Cannabis ruderalis. Il est aussi appelé « marijuana » lorsque la plante elle même est consommée ou « résine », « shit » et « haschisch » lorsqu’elle est fumée sous forme de joints.

La plante de cannabis contient de nombreuses molécules ayant un effet sur le corps humain. Parmi celles-ci, on retrouve les cannabinoïdes et notamment le ∆-9-tétrahydrocannabinol, aussi appelé THC, qui est responsable de l’effet euphorisant du cannabis chez l’humain. Mais il ne s’agit pas du seul cannabinoïde présent dans la plante car plus d’une centaine d’autres sont détectés dans le cannabis, chacun ayant des propriétés différentes et certains étant même capables d’inhiber la croissance de micro-organismes.

Exemple de cannabinoïdes retrouvés dans le cannabis.

Quel est l’effet du cannabis sur les bactéries ?

Des études scientifiques ont montré que les cannabinoïdes issues du cannabis peuvent stopper la croissance bactérienne et pourraient servir comme de nouveaux antibiotiques [3]. Des tests in vitro, dans des tubes à essais, confirment les effets de ces composés lorsqu’ils sont utilisés séparément [4]. Néanmoins les effets des mélanges de plusieurs cannabinoïdes sont plus difficiles à étudier. À cela s’ajoute le fait que les cannabinoïdes présents dans la plante sont différents selon la variété végétale. Des études réalisées avec des plantes différentes peuvent donc conduire à des résultats qui varient aussi.

Les effets anti-microbiens du cannabis sont encore plus complexes à étudier chez les humains. Notamment car le corps humain produit des molécules appartenant à la famille des cannabinoïdes : les endocannabinoïdes. Les molécules issues du cannabis peuvent donc avoir un effet sur les bactéries mais aussi perturber les fonctions du corps humains utilisant des endocannabinoïdes. Parmi les fonctions du corps régulées par des endocannabinoïdes, il y a notamment le système immunitaire qui est chargé de protéger le corps contre les micro-organismes. Les (endo)cannabinoïdes peuvent-ils impacter les bactéries responsables de caries ?

Description de l’étude

Une étude scientifique a été menée dans l’hôpital de Nazareth en Israël pour déterminer les effets du cannabis sur les caries. Seize patients souffrants de douleurs musculo-squelettiques sont recrutés pour cette étude. Ces patients n’ont pas d’antécédents de consommation de cannabis et ont une moyenne d’âge de 52 ans. Des prélèvements de salives sont réalisés avant le début traitement puis une et quatre semaine(s) après le commencement de cette expérience.

La présence de deux bactéries impliquées dans la formation de caries est recherchée à l’aide d’un kit commercial [7]. Celui-ci consiste en une languette de plastique recouverte par deux milieux de cultures différents. L’un de ces milieux permet la croissance de la bactérie Streptococcus mutans (S. mutans) et l’autre de Lactobacillus spp.

Le kit CRT (anciennement Cariescreen SM®) contient deux milieux de cultures sélectifs permettant la croissance spécifique des bactéries S. mutans et de Lactobacillus spp responsables de caries.

L’échantillon de salive ayant été déposé sur les milieux de cultures du kit, ceux-ci sont placés dans une étuve le temps que les bactéries se développent. Après 48 heures, la présence de colonies est recherché sur les milieux de cultures. En fonction du nombre d’unité formant colonie (UFC), l’échantillon est considéré comme étant à risque de caries ou non.

La lecture des résultats se fait en comptant le nombre d’UFC (Unités Formant Colonies) rapporté au volume de salive utilisé (en mL). En dessous d’un seuil (105 UFC.mL-1), le résultat est considéré comme une absence de risque de caries. Au dessus de ce seuil, il y a risque de caries.

Quel est l’effet de la consommation cannabis sur ces deux bactéries ?

Au cours de l’étude, les scientifiques observent une augmentation de la fréquence des bactéries S. mutans et Lactobacillus dans la salive des patients. Ces résultats semblent indiquer que la consommation de cannabis conduit à la présence de bactéries impliquées dans la formation de caries. Si les cannabinoïdes présents dans le cannabis peuvent inhibent la croissance de bactéries comment expliquer qu’en présence de ces composés elles sont quand même plus fréquentes ?

Une balance complexe entre plusieurs effets

Une autre étude sur les infections bactériennes des dents fournit des pistes pour comprendre cet effet [8]. Selon cette étude, le cannabis a un effet négatif sur la croissance bactérienne mais aussi sur les cellules du système immunitaire. Un « équilibre » se forme ainsi entre les effets négatifs sur les bactéries pathogènes et ceux sur le système immunitaire. Si le cannabis a un effet négatif plus important sur les défenses immunitaires que sur les bactéries, « l’équilibre » serait rompu ce qui favorise la croissance des bactéries pathogènes.

La consommation de cannabis provoquerait un déséquilibre entre les bactéries pathogènes et les défenses immunitaires.

Perspectives de l’étude

Les résultats obtenus, dans cette étude, ne sont pas suffisants pour répondre à la question posée par les scientifiques. En effet, le nombre de patients, seulement 16, est très faible pour obtenir des résultats fiables d’un point de vue statistique. Il faut également tenir compte que la présence de ces bactéries peut s’expliquer par des facteurs du mode de vie des patients autre que la consommation thérapeutique de cannabis. Comme l’indique les auteurs de l’étude c’est une raison de plus d’être prudent avec ces données.

Néanmoins ces résultats vont dans le sens des problèmes de santé buccale chez les personnes consommant du cannabis. D’autres études seront nécessaire pour mieux comprendre ce phénomène et permettre un meilleur suivi des patients utilisant du cannabis à des fins médicales.

Référence de l’étude

Habib, G., Steinberg, D., & Jabbour, A. (2021). The impact of medical cannabis consumption on the oral flora and saliva. PLoS one, 16(2), e0247044. doi.org/10.1371/journal.pone.0247044 (lien)


Pour plus d’informations

[1] Mahabir, V. K., Merchant, J. J., Smith, C., & Garibaldi, A. (2020). Medical cannabis use in the United States: a retrospective database study. Journal of cannabis research, 2(1), 32. doi.org/10.1186/s42238-020-00038-w (lien)

[2] Thomson, W. M. (2008). Cannabis smoking and periodontal disease among young adults. JAMA, 299(5), 525. doi:10.1001/jama.299.5.525 (lien)

[3] Karas, J. A., Wong, L., Paulin, O., Mazeh, A. C., Hussein, M. H., Li, J., & Velkov, T. (2020). The antimicrobial activity of cannabinoids. Antibiotics (Basel, Switzerland), 9(7), 406. doi.org/10.3390/antibiotics9070406 (lien)

[4] Appendino, G., Gibbons, S., Giana, A., Pagani, A., Grassi, G., Stavri, M., …& Rahman, M. M. (2008). Antibacterial cannabinoids from Cannabis sativa: A structure−activity study. Journal of Natural Products, 71(8), 1427–1430. doi:10.1021/np8002673 (lien)

[5] Adejumo, A. C., & Bukong, T. N. (2019). Cannabis use and risk of Clostridioides difficile infection: Analysis of 59,824 hospitalizations. Anaerobe, 102095. doi:10.1016/j.anaerobe.2019.102095 (lien)

[6] Bowen, W. H., Burne, R. A., Wu, H., & Koo, H. (2018). Oral biofilms: Pathogens, matrix, and polymicrobial interactions in microenvironments. Trends in Microbiology, 26(3), 229–242. doi:10.1016/j.tim.2017.09.008 (lien)

[7] Jordan, H. V., Laraway, R., Snirch, R., & Marmel, M. (1987). A simplified diagnostic system for cultural detection and enumeration of Streptococcus mutans. Journal of Dental Research, 66(1), 57–61. doi:10.1177/00220345870660011201 (lien)

[8] Gu, Z., Singh, S., Niyogi, R. G., Lamont, G. J., Wang, H., Lamont, R. J., & Scott, D. A. (2019). Marijuana-derived cannabinoids trigger a CB2/PI3K axis of suppression of the innate response to oral pathogens. Frontiers in immunology, 10, 2288. doi.org/10.3389/fimmu.2019.02288 (lien)

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