La COVID19 peut-elle se transmettre dans les transports en commun ?

Posté : 29 novembre 2020 / Mis-à-jour : 7 avril 2024


Temps de lecture : 11 minutes

Catégorie : Santé

L’épidémie de COVID19 (coronavirus disease 2019) causée par le Coronavirus (SARS-CoV-2) s’est rapidement propagée à travers le monde, depuis son apparition en Chine fin 2019. Une hypothèse pour expliquer cette propagation serait l’importance des voyages internationaux et des transports en commun. Que disent les études scientifiques sur la transmission de cette maladie dans les transports en commun ? Des scientifiques italiens ont essayé de répondre à cette question en réalisant des analyses dans un bus durant sa période d’activité.

Dessin d'un bus

Comment se transmet le Coronavirus ?

Depuis le début de l’épidémie, de nombreux scientifiques se sont intéressés à la transmission de ce virus [1]. Il ressort des études scientifiques que ce virus peut se transmettre par trois voies : des gouttelettes (provenant de la respiration et des éternuements), des aérosols ou des surfaces contaminées.

Mécanismes de transmission du SARS-CoV-2.
Les aérosols sont des particules restant en suspension dans l’air tandis que les gouttelettes vont quant à elles tomber sur le sol ou des surfaces par gravité. Les particules émisses lors de la respiration vont être classées en aérosols ou en gouttelettes en fonction de leur taille [2].

Le Coronavirus (SARS-CoV-2) est capable de rester infectieux pendant plusieurs heures sur des surfaces inertes.

Pour limiter ces transmissions, des méthodes comme le port de masques ou la distanciation sociale ont été prises. Ces mesures présentent toutes des avantages et des inconvénients mais permettent de limiter les transmissions lorsqu’elles sont combinées [3].

Les transports en commun sont-ils un lieu de risques ?

La relation entre les transports en commun et la transmission d’infections est supposée depuis longtemps. En effet, il s’agit d’espaces confinés qui conduisent à des contacts proches entre les passagers et où de nombreuses personnes circulent. Mais elle est difficile à prouver [4]. Des modélisations mathématiques permettent de prédire une telle relation entre infections et transports en commun [4 ; 5]. D’autres études vont dans ce sens en détectant la présence de micro-organismes pathogènes dans des moyens de locomotion en commun [6].

Quelques études récentes se sont concentrées sur le SARS-CoV-2 et les transports en commun. Ce virus s’est rapidement répandu en Chine lors des festivités associées à la nouvelle année. Une étude a mis en évidence une corrélation entre le nombre de cas dans des villes chinoises et la fréquence ferroviaire [7]. On observe un plus grand nombre d’infection lorsque les voyages en train sont importants. Mais cela ne signifie pas forcément que le virus a été transmis dans ce moyen de transport. Une autre étude réalisée en Chine a comparé la liste de personnes diagnostiquées positives au COVID19 et ayant pris le train en fonction de leur place à l’intérieur du véhicule [8]. Cela a permis de mettre en évidence une relation, faible, entre le transport en commun et la transmission du virus. Celle-ci dépend notamment du temps passé dans le train et de la distance entre les passagers.

Comparaison des dossiers de soins avec la liste des passagers pour estimer la propagation de l'épidémie

Les rapports de cas de certains patients indiquent une probable contamination lors de voyages en avion [9 ; 10] tandis que dans d’autres circonstances cela n’est pas observé [11]. En tout cas, le génome du SARS-CoV-2 a pu être détecté dans la fosse septique d’avions ou de bateaux de croisière, indiquant ainsi la présence de passagers contaminés dans ces modes de transport [12].

Détection du génome du SRAS-CoV-2 dans la fosse septique d'un avion.

Une autre étude basée sur la modélisation estime qu’au Royaume-Uni 7,3 % des infections au COVID19 seraient dues aux transports en commun [13].

Quelles mesures ont été prises dans les transports en commun ?

Des mesures de prévention ont été prises dans de nombreux pays pour limiter la propagation de cette épidémie dans les transports en commun [14]. L’Italie a été l’un des pays les plus touchés lors de la première vague du COVID19. D’ailleurs, il s’agit du premier pays européen à avoir instauré un confinement. Le premier ministre italien avait instauré les mesures suivantes dans les bus et transports en commun :

– réduire le nombre de passagers

– instaurer une distance entre chaque passager

– protéger le conducteur en l’isolant des passagers (fermeture de la porte d’entrée)

– espacer les sièges ouverts

– lavage des mains des passagers avant de monter dans le bus

– obligation de porter un masque

Recherche de particules virales dans un bus

Des scientifiques italiens ont recherché ce virus dans un trolleybus (véhicule de transport en commun alimenté en électricité par des caténaires). L’étude a été réalisée à Chieti, ville d’Italie d’environ 50 000 habitants, et a commencé le 12 mai 2020 (dernière semaine du confinement). La ligne de bus étudiée est la plus fréquentée dans la ville. Durant l’étude, 1 107 passagers ont été comptabilisés avec une moyenne de 123 passagers par jour.

Schéma montrant le calendrier de l'expérience.
Calendrier de l’étude.

Des prélèvements de l’air sont réalisés dans le bus avec deux filtres. Ceux-ci sont composés d’une gélose qui recueille les aérosols. De plus des écouvillons sont utilisés pour chercher la présence du virus sur des surfaces comme les boutons d’arrêts du bus et le composteur à billet. Les prélèvements sont réalisés avant et après le service du trolleybus.

Schéma du bus avec les places ouvertes et celles fermées.
Schéma du bus avec les places ouvertes (en vert) et celles fermées (en rouge). Seul le conducteur peut accéder à l’avant du bus. Cette image est inspirée de la figure 1 de Di Carlo et al., 2020.

Les surfaces, à l’intérieur, du bus sont nettoyées, chaque jour, avec un détergent puis avec de l’alcool à 70 % et de l’eau de Javel (hypochlorite de sodium à 0,1 %). Chaque semaine, le bus est également nettoyé avec un générateur d’aérosols désinfectant. Un traitement à l’ozone est aussi réalisé avec un générateur mobile d’ozone.

Dessin représentant le nettoyage manuel et le nettoyage avec des aérosols.
Un désinfectant acide et oxydant peut être utilisé pour le générateur d’aérosols. Par exemple, dans cette étude, un mélange de peroxyde d’hydrogène et d’acides acétique et peracétique est utilisé.

Comment détecter le virus ?

Le Coronavirus est recherché, dans ces prélèvements, par une technique appelée RT-qPCR. Cette technique permet de détecter et quantifier l’acide nucléique (ARN) qui est présent dans les particules virales de SARS-CoV-2. Pour cela, l’ARN présent dans l’échantillon est récupéré lors d’une étape appelée extraction. Cette molécule d’ARN est ensuite transformée (retro-transcrite) en ADN. Si l’ADN obtenu correspond à celui du SARS-CoV-2, il sera amplifié et quantifié lors de l’étape de PCR quantitative. Cela permettra de déterminer la quantité d’ARN présente dans l’échantillon.

Schéma simplifié du protocole de RT-qPCR
Schéma simplifié du protocole de RT-qPCR utilisé ici pour quantifier le virus SARS-CoV-2.

Dans cette étude, l’analyse est réalisée simultanément sur trois gènes de ce virus : le gène ORF1ab, N et S. Les auteurs considèrent que le virus est détecté si au moins deux des trois gènes testés sont trouvés dans l’échantillon.

Schéma du génome du SARS-CoV-2.
Schéma du génome du SARS-CoV-2.

Le SARS-CoV-2 a t-il pu être détecté durant cette étude ?

Dans le cadre de cette étude, le virus n’a pas été détecté que ce soit dans l’air ou sur les surfaces. La détection de particules virales n’aurait pas forcément indiqué la transmission du virus entre les passagers. En effet, même si le virus était présent, il faut tenir compte des gestes barrières, de la quantité de particules virales ou de l’immunité des passagers.

Au vu de ces résultats, on pourrait donc conclure que les méthodes de prévention sont efficaces, ce qui permet d’éviter la transmission du COVID19 dans les transports en commun. Mais comme l’indiquent les auteurs de l’étude, la présence du virus chez les passagers voyageant dans ce bus n’a pas pu être testée. Cela signifie qu’il n’est pas possible de déterminer combien de passagers étaient contaminés par ce virus. Peut-être que l’absence de détection pourrait s’expliquer par le fait qu’aucun passager n’était porteur du virus. Au contraire, ils étaient peut-être tous contaminés ce qui confirmerait que ces mesures étaient efficaces.

Combien de passagers contaminés ont-ils voyagé dans ce bus ?

Les auteurs de cette étude estiment qu’environ 37 passagers contaminés par jour auraient pris ce bus durant la période de prélèvements. Ils obtiennent ce chiffre en utilisant l’hypothèse qu’au moins 30 % des 123 passagers journaliers soient contaminés. Malheureusement ce chiffre semble provenir d’une erreur. Les auteurs expliquent qu’ils prennent une marge de sécurité par rapport à une étude indiquant que 40 à 45 % des contaminations seraient dues à des personnes asymptomatiques [15]. Cela ne signifie pas que 40 à 45 % de la population soit contaminée comme l’expliquent les auteurs italiens mais juste que parmi les personnes contaminées, 40 à 45 % ne présentent pas de symptômes tout en étant contagieux.

Extrait de l'article de Di Carlo et al., 2020.
Extrait de l’article de Di Carlo et al., 2020.

Cette affirmation est d’autant plus surprenante puisque dans le même article, les scientifiques italiens indiquent que 820 personnes ont été détectées comme contaminées au 28 mai 2020 à Chieti. C’est-à-dire 0,213 % de la population et non pas 40 à 45 % comme indiqué plus tard. À titre de comparaison, d’après les données de l’organisme mondial de la santé, le 12 mai 2020 soit le premier jour de cette étude, 744 cas de COVID19 étaient déclarés pour le pays [16]. Au 1er janvier 2020, la population en Italie était de 6 244 639 d’habitants [17]. Il y avait donc environ 0,012 % de la population italienne déclarée comme contaminée le 12 mai 2020 et non 40 à 45 %.

Capture d'écran du site internet de l'organisation mondiale de la santé représentant le nombre de personnes contaminées par le COVID19 en Italie.
Capture d’écran du site internet de l’organisation mondiale de la santé représentant le nombre de personnes contaminées par le COVID19 en Italie.

Le chiffre de 37 passagers contaminés qui prennent ce bus chaque jour serait donc à relativiser. En se basant plutôt sur le pourcentage de personnes contaminées dans la ville de Chieti (0,213 %), il y aurait eu au moins deux passagers contaminés dans le bus durant toute la période de l’étude et non pas 37 par jour. Cela reste une estimation purement mathématique basée sur le nombre connu de personnes contaminées.

Que peut-on conclure sur la transmission dans les transports en commun ?

Les études scientifiques indiquent la possibilité de transmission du COVID19 dans les transports en commun même si celle-ci est faible. Il est néanmoins difficile de tirer des conclusions générales sur les transports en commun vu leur diversité et leurs spécificités. Par exemple, la durée de transport, la possibilité de se déplacer à l’intérieur, la proximité des passagers ou la circulation de l’air varie selon les transports ce qui peut influencer la transmission. Des études scientifiques dans ces lieux sont donc intéressantes pour estimer la fréquence de contamination et vérifier l’efficacité des mesures de prévention.

Les conclusions de l’étude italienne sur l’efficacité des méthodes de prévention sont à relativiser au vu du manque de données expérimentales. Comme nous ne connaissant pas le nombre de passagers contaminés, il est difficile d’estimer l’efficacité des méthodes de prévention. D’autres expériences scientifiques sont à réaliser pour confirmer ces conclusions.

Référence bibliographique

Di Carlo, P., Chiacchiaretta, P., Sinjari, B., Aruffo, E., Stuppia, L., De Laurenzi, V., Di Tomo, P., Pelusi, L., Potenza, F., Veronese, A., Vecchiet, J., Falasca, K., & Ucciferri, C. (2020) Air and surface measurements of SARS-CoV-2 inside a bus during normal operation. PLoS ONE 15(11): e0235943. doi.org/10.1371/journal.pone.0235943 (lien)

Bibliographie complémentaire

[1] Prather, K. A., Wang, C. C., & Schooley, R. T. (2020) Reducing transmission of SARS-CoV-2. Science. 2020 Jun 26;368(6498):1422-1424. doi: 10.1126/science.abc6197. (lien)

[2] Jayaweera, M., Perera, H., Gunawardana, B., & Manatunge, J. (2020). Transmission of COVID-19 virus by droplets and aerosols: A critical review on the unresolved dichotomy. Environmental Research, 109819. doi:10.1016/j.envres.2020.109819 (lien)

[3] Matuschek, C., Moll, F., Fangerau, H., Fischer, J. C., Zänker, K., van Griensven, M., … Haussmann, J. (2020). Face masks: benefits and risks during the COVID-19 crisis. European Journal of Medical Research, 25(1). doi:10.1186/s40001-020-00430-5 (lien)

[4] Goscé, L., Johansson, A. (2018) Analysing the link between public transport use and airborne transmission: mobility and contagion in the London underground. Environ Health 17, 84 doi.org/10.1186/s12940-018-0427-5 (lien)

[5] Hwang, G. M., DiCarlo, A. A., & Lin, G. C. (2011). An analysis on the detection of biological contaminants aboard aircraft. PloS one, 6(1), e14520. doi.org/10.1371/journal.pone.0014520 (lien)

[6] Cao, T., Liu, Y., Li, Y., Wang, Y., Shen, Z., Shao, B., … Wang, S. (2020). A public health concern: emergence of carbapenem-resistant Klebsiella pneumoniae in a public transportation environment. Journal of Antimicrobial Chemotherapy. doi:10.1093/jac/dkaa260 (lien)

[7] Zhao, S., Zhuang, Z., Ran, J., Lin, J., Yang, G., Yang, L., & He, D. (2020). The association between domestic train transportation and novel coronavirus (2019-nCoV) outbreak in China from 2019 to 2020: A data-driven correlational report. Travel medicine and infectious disease, 33, 101568. doi.org/10.1016/j.tmaid.2020.101568

[8] Hu, M., Lin, H., Wang, J., Xu, C., Tatem, A. J., Meng, B., … Lai, S. (2020). The risk of COVID-19 transmission in train passengers: an epidemiological and modelling study. Clinical Infectious Diseases. doi:10.1093/cid/ciaa1057 (lien)

[9] Eldin, C., Lagier, J. C., Mailhe, M., & Gautret, P. (2020). Probable aircraft transmission of Covid-19 in-flight from the Central African Republic to France. Travel medicine and infectious disease, 35, 101643. doi.org/10.1016/j.tmaid.2020.101643 (lien)

[10] Pavli, A., Smeti, P., Hadjianastasiou, S., Theodoridou, K., Spilioti, A., Papadima, K., … Maltezou, H. C. (2020). In-flight transmission of COVID-19 on flights to Greece: An epidemiological analysis. Travel Medicine and Infectious Disease, 38, 101882. doi:10.1016/j.tmaid.2020.101882 (lien)

[11] Schwartz, K. L., Murti, M., Finkelstein, M., Leis, J. A., Fitzgerald-Husek, A., Bourns, L., … Yaffe, B. (2020). Lack of COVID-19 transmission on an international flight. Canadian Medical Association Journal, 192(15), E410–E410. doi:10.1503/cmaj.75015 (lien)

[12] Ahmed, W., Bertsch, P. M., Angel, N., Bibby, K., Bivins, A., Dierens, L., Edson, J., Ehret, J., Gyawali, P., Hamilton, K. A., Hosegood, I., Hugenholtz, P., Jiang, G., Kitajima, M., Sichani, H. T., Shi, J., Shimko, K. M., Simpson, S. L., Smith, W., Symonds, E. M., … Mueller, J. F. (2020). Detection of SARS-CoV-2 RNA in commercial passenger aircraft and cruise ship wastewater: a surveillance tool for assessing the presence of COVID-19 infected travellers. Journal of travel medicine, 27(5), taaa116. doi.org/10.1093/jtm/taaa116 (lien)

[13] Heald, A. H., Stedman, M., Tian, Z., Wu, P., & Fryer, A. A. (2020). Modelling the impact of the mandatory use of face coverings on public transport and in retail outlets in the UK on COVID‐19‐related infections, hospital admissions and mortality. International Journal of Clinical Practice. doi:10.1111/ijcp.13768 (lien)

[14] Shen, J., Duan, H., Zhang, B., Wang, J., Ji, J. S., Wang, J., … Shi, X. (2020). Prevention and control of COVID-19 in public transportation: experience from China. Environmental Pollution, 115291. doi:10.1016/j.envpol.2020.115291 (lien)

[15] Oran, D. P., & Topol, E. J. (2020). Prevalence of asymptomatic SARS-CoV-2 infection. Annals of Internal Medicine. doi:10.7326/m20-3012  (lien)

[16] Site internet Eurostat de l’Union Européenne – consulté le 15 novembre 2020 https://ec.europa.eu/eurostat/databrowser/view/tps00001/default/table?lang=en

[17] Site de l’organisation mondiale de la santé – consulté le 15 novembre 2020 https://covid19.who.int/region/euro/country/it

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