Quelle est la stabilité du Coronavirus sur des surfaces inertes ?

Posté : 23 mars 2020 / Mis-à-jour : 24 mars 2024


Temps de lecture : 11 minutes

Catégorie : Santé

Depuis quelques semaines, le mot « Coronavirus » est dans toutes les conversations. À quoi correspond-il exactement ? Le terme « Coronavirus » désigne un ensemble de virus pouvant infecter les humains et d’autres animaux. Chez l’humain, l’infection par les Coronavirus est généralement bénigne ou asymptomatique. Mais dans certains cas, l’infection par un Coronavirus peut engendrer une pathologie pulmonaire grave pouvant conduire au décès. Le SARS-CoV-1 a été le premier Coronavirus médiatisé suite à l’épidémie de SRAS apparue en Chine entre 2002 et 2003. L’infection par ce virus peut conduire à une maladie appelée SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère ; en anglais severe acute respiratory syndrome). En 2012, le MERS-CoV (en anglais ; Middle East respiratory syndrome coronavirus) a frappé le Moyen-Orient. Le dernier en date est le virus SARS-CoV-2 (aussi appelé HCoV-19) responsable de la maladie COVID-19 (CoronaVIrus Disease).

Le mot « Coronavirus » bien que plus utilisé que les autres synonymes est moins spécifique et se rapporte à plusieurs virus différents.

Les Coronavirus sont des virus dits « enveloppés » car leur nucléocapside (contenant le matériel génétique) est entourée par une membrane lipidique. Cette membrane provient de la cellule infectée et contient des protéines virales (E, M, S ,HE). Les virus enveloppés possèdent en général une faible résistance dans l’environnement contrairement à ceux sans enveloppe. Ils peuvent survivre quelques heures à quelques jours tandis que les virus non enveloppés peuvent survivre plusieurs jours à mois.

Coupe transversale d’une particule virale d’un Coronavirus.

De nombreuses questions sont encore associées au nouveau Coronavirus : le SARS-CoV-2. Par exemple arrive-t-il à « survivre » en dehors du corps humain lorsqu’il est exposé à l’environnement ?

Inactivation des virus sur des surfaces

Que se passe t-il lorsque des particules virales sont libérées en dehors du corps humain ? Les virus infectant les voies respiratoires tels que les Coronavirus ou Influenza (responsable de la grippe) ne sont pas trouvés sous forme de particules virales flottant librement dans l’air. En effet, ils sont contenus dans des petites gouttelettes du fluide respiratoire provenant du corps humain lors de la respiration, de la parole, d’éternuements. Le terme aérosol est utilisé pour désigner ces gouttelettes.

Le fluide respiratoire a une composition physico-chimique très complexe. Les tensio-actifs et les mucines présents dans ces gouttelettes diminuent l’évaporation. En sortant du corps humain, les gouttelettes ont une température de 31 °C et une humidité relative de presque 100 %.

Ces aérosols peuvent être respirés par d’autres humains et conduire à une transmission de l’infection. Les aérosols peuvent aussi se retrouver sur des surfaces lorsqu’une personne éternue à proximité d’un objet ou qu’elle ne se lave pas les mains entre l’éternuement et le contact. Sous l’action de la gravité, les aérosols vont aussi tomber sur des surfaces et permettre ainsi la propagation du virus.

La contamination peut se faire lors d’un contact entre deux personnes. Dans ce cas, les aérosols peuvent passer directement d’un corps à un autre. La contamination peut aussi se faire via des objets et des surfaces contaminées par les personnes infectées.

Lorsque ces gouttelettes sortent du corps humain, elles passent d’un milieu très humide (pratiquement 100 % d’humidité relative) à un environnement plus sec. Elles s’évaporent donc très vite ce qui peut conduire à l’exposition des particules virales à l’air libre. Ce changement de milieu peu conduire à une inactivation des particules virales les rendant ainsi non infectieuses. En plus des effets de la déshydratation, certains matériaux tel que le cuivre sont connus pour inactiver les particules virales à leur surface. Dans le cas de surface en cuivre, cela est dû au stress oxydatif lié à la libération d’ions cuivre par le matériau. Les rayons ultraviolets (UV) du soleil sont un autre facteur impliqué dans l’inactivation de particules virales dans l’environnement. L’effet des rayons UV s’explique principalement par une dégradation du matériel génétique de la particule virale. Les produits de nettoyage tel que l’eau de Javel peuvent aussi inactiver des particules virales.

Exemple de plusieurs facteurs connus pour intervenir dans l’inactivation des particules virales sur des surfaces.

Objectif de l’étude

Une nouvelle étude de scientifiques des États-Unis analyse la stabilité des particules virales du SARS-CoV-2 sur plusieurs surfaces inertes. Cette étude a été mise en ligne sur la plateforme medRxiv (lien) le 13 mars 2020 puis publiée le 17 mars 2020 dans le journal The new england journal of medicine.

Pour tester la viabilité du SARS-CoV-2 en dehors du corps humain, des particules ont été déposées sur plusieurs surfaces inertes ainsi que dans un aérosol. Les résultats permettront de déterminer si ces surfaces peuvent être un vecteur de cette maladie. En plus du SARS-CoV-2 responsable du COVID-19, pour comparaison, un autre virus est étudié : le SARS-CoV-1 qui a émergé en Chine entre 2002 et 2003. Ce second virus a été choisi pour la comparaison car ils sont tous les deux très proches d’un point de vue génétique.

Exposer les particules virales sur des surfaces

Dans cette étude, les scientifiques utilisent une souche de Coronavirus appelée SARS-CoV-2 nCoV-USA-WA1-2020 provenant du premier cas de COVID-19 diagnostiqué aux États-Unis (à Washington). Un liquide contenant des particules virales de cette souche est préparé puis déposé sur les quatre types de surface qui sont étudiés : carton, plastique, métal inoxydé et cuivre. La même quantité de particules virales est déposée sur chaque surface.

Pour tester si les particules virales sont encore viables après un temps donné sur ces surfaces, il est possible de réaliser plusieurs prélèvements sur une même surface ou alors de préparer un échantillon de surface pour chaque durée à analyser. La deuxième option a été choisie dans cette étude, on parle de méthode en point final. Pour les quatre matériaux testés, plusieurs surfaces sont donc préparées puis contaminées avec la suspension virale.

Pour chaque type de surface testée, trois échantillons sont préparés pour chaque durée. Les particules virales sont prélevées à la fin de la durée de contact avec du milieu de culture (DMEM ; Dulbecco’s Modified Eagle Medium). Les durées en heure sont celles utilisées pour le carton.

Une fois les surfaces infectées, on les laisse incuber pendant plusieurs heures dans des conditions définies (entre 21 et 23 °C et avec une humidité relative de 40 %). Après la durée choisie, les particules virales sont prélevées sur les surfaces en déposant un peu de liquide (milieu de culture pour cellules mammifères) puis en récupérant ce liquide.

Exposer les particules virales dans un aérosol

En plus des surfaces, les scientifiques ont aussi étudié la viabilité des particules virales dans des aérosols. Pour cela, ils utilisent un nébuliseur (aussi appelé brumisateur) qui permet de vaporiser un liquide sous forme de fines gouttelettes. Dans cette étude, les gouttelettes ont une taille inférieure à moins de 5 µm ce qui correspond à l’ordre de grandeur (0,5 à 10 µm) de celles produites par l’organisme humain lors de la respiration. Pour éviter que les gouttelettes tombent à cause de la gravité terrestre, elles sont conservées dans un appareil appelé tambour rotatif de Goldberg.

Schéma simplifié du système de production et de stockage des aérosols. Le brumisateur / nébuliseur de Collison permet la formation d’aérosol en faisant passer de l’air à haute pression à travers un liquide. Les gouttelettes formées sont conduites dans un tambour rotatif. Elles sont alors maintenues en l’air via la rotation de la masse d’air contenu dans l’appareil. Cela permet de conserver des aérosols sur de longues durées.

Quantifier les particules virales après exposition

Lors de la seconde étape, seules les particules virales encore infectieuses sont quantifiées. En effet, parmi les particules récupérées lors de l’étape précédente, certaines ont pu perdre leur pouvoir infectieux. Pour cela une méthode appelée dose infectieuse pour 50 % des cultures cellulaires (en anglais 50% Tissue Culture Infectious Dose) est utilisée. Cette unité correspond à la quantité de virus nécessaire pour infecter 50 % des cultures cellulaires. Plusieurs cultures cellulaires sont donc mises en contact avec les particules virales récupérées sur les surfaces. En fonction de la quantité de particules virales dans le prélèvement, il est possible qu’il y ait un effet sur toutes les cultures ou au contraire sur aucune. La suspension de particules virales est donc diluée pour présenter plusieurs quantités et obtenir une plus grande gamme de résultats.

Détermination de la dose infectieuse pour 50 % des cultures cellulaires. Le signe « + » indique qu’il n’y a pas d’effets sur les cellules contrairement au signe « – » indiquant un effet. Dans ce cas théorique, la dilution D correspond à la dose infectieuse pour 50 % des cultures cellulaires.

Les cellules infectées dans cette étude proviennent de la lignée cellulaire Vero E6. Ces cellules, issues d’un singe, sont considérées comme une lignée cellulaire modèle en biologie. Elles sont utilisées dans de nombreuses études scientifiques. Elles avaient déjà été utilisées pour l’étude du SARS-CoV-1 après l’épidémie en 2002/2003.

La lignée cellulaire Vero E6 correspond à des cellules épithéliales de reins provenant du vervet vert, un singe africain. Ces cellules ont déjà été utilisées pour l’étude de Coronavirus tels que le SARS-CoV-1 et le MERS-CoV. Elles présentent un effet cytopathique lors de l’infection.

Des cultures cellulaires sont réalisées puis infectées avec des dilutions de particules virales prélevées sur les surfaces. Après plusieurs jours de culture des cellules, il est possible d’observer si l’ajout des particules virales a eu un effet sur les cellules. On parle d’effet cytopathique pour désigner les modifications de la cellule hôte par l’infection. Il reste alors à déterminer la proportion de cultures cellulaires avec (ou sans) effets visibles

Pour tester la dose infectieuse, des cellules Vero E6 sont infectées avec les particules virales prélevées sur les surfaces ou dans l’aérosol. Des dilutions des particules virales sont réalisées. Plusieurs réplicats sont réalisés pour chaque dilution. La proportion de réplicat avec ou sous effet permettra de déterminer la dose infectieuse pour 50 % des cultures cellulaires.

Résultats de l’étude

Une fois la dose infectieuse pour 50 % des cultures cellulaires déterminée pour plusieurs durées de contact sur les surfaces, il est possible d’analyser la stabilité des particules virales. Les résultats de cette étude sont exprimés en demi-vie du pouvoir infectieux des particules virales. Cette unité indique le temps nécessaire pour qu’une substance perde la moitié de son activité. Plus la demi-vie est courte et plus la diminution est importante. Au contraire une demi-vie longue signifie que la substance perd lentement son activité. Dans le cas de cette étude, il s’agit du temps nécessaire pour que la moitié des particules virales perdent leur pouvoir infectieux.

Exemple de la diminution du pouvoir infectieux des particules virales. Chaque flèche correspond à la diminution égale à la demi-vie.

Le cuivre est la surface sur laquelle les particules virales ont la demi-vie la plus courte. Cela signifie qu’il s’agit de la surface sur laquelle le pouvoir infectieux diminue le plus rapidement. Ce résultat concorde avec les propriétés antibactériennes et antivirales du cuivre qui avaient déjà été montrées dans d’autres études scientifiques. Au contraire, le plastique possède la demie-vie la plus longue ce qui signifie que la diminution du pouvoir infectieux est faible sur cette surface.

À partir d’une certaine durée, il n’est plus possible de détecter de dose infectieuse pour les prélèvements. Par exemple pour le plastique, il faut deux à trois jours pour que l’ensemble des particules virales aient perdu leur pouvoir infectieux. Dans le cas des aérosols, des particules virales infectieuses sont détectées pour chaque durée testée dans l’étude. Il n’est donc pas possible de déterminer quand le pouvoir infectieux n’est plus détectable.

Les résultats obtenus pour le SARS-CoV-1 et le SARS-CoV-2 sont similaires dans les conditions testées (à l’exception du carton). Les auteurs de l’étude suggèrent que la différence entre les deux épidémies serait due à d’autres facteurs que la viabilité des particules virales.

Perspectives de l’étude

Les résultats de cette étude ont été obtenus en laboratoire dans des conditions très contrôlées et spécifiques. Dans l’environnement où les conditions sont plus variables et complexes, la viabilité des particules virales peut être différente. Par exemple pour les aérosols, ceux-ci vont tomber avec la gravité et ne pas flotter en l’air. Les rayons UV du soleil pourraient également participer à l’inactivation de ces particules virales. De même, une infection des cellules Vero E6 dans l’étude ne signifie pas forcément une infection chez un être humain (notamment via la présence du système immunitaire).

Malgré les biais dus à la méthodologie expérimentale, ces résultats fournissent des pistes pour d’autres recherches. C’est en comprenant ce qu’il se passe dans des modèles simplifiés que l’on peut ensuite passer à des conditions plus complexes. En attendant de futures études, ces résultats doivent être considérés comme des indications et peuvent servir à mettre en place des gestes barrières pour limiter les infections.

Bibliographie

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