Quorum-sensing

Définition

Certaines bac­té­ries dis­posent d’un méca­nisme de com­mu­ni­ca­tion basé sur des signaux chi­miques appe­lé quo­rum-sen­sing. (ou détec­tion de quo­rum en fran­çais) On peut com­pa­rer ces signaux chi­miques à des “mots” que s’é­changent les bac­té­ries. Le voca­bu­laire uti­li­sé pour le quo­rum-sen­sing se limite à un seul mot. Cette méthode de com­mu­ni­ca­tion ne per­met pas de longs mono­logues, des débats enflam­més ou des décla­ra­tions d’a­mour mais juste d’in­di­quer sa pré­sence à d’autres bactéries.

Communication entre bactéries : quorum-sensing

La com­mu­ni­ca­tion par quo­rum-sen­sing peut être com­pa­rée à un recen­se­ment auquel par­ti­cipent les bac­té­ries. Elles indiquent leur pré­sence pour esti­mer la taille de la popu­la­tion. Une fois que la popu­la­tion a atteint un cer­tain seuil, les bac­té­ries changent de com­por­te­ment pour entre­prendre des actions qui sont peu avan­ta­geuses en faible nombre. Par exemple pour une bac­té­rie patho­gène qui se trouve seule, il est peu ren­table de pro­duire une toxine pour infec­ter un humain. Par contre, une fois que la popu­la­tion de cette bac­té­rie sera suf­fi­sam­ment grande, l’in­fec­tion aura plus de pro­ba­bi­li­té de réus­site. La pro­duc­tion de la toxine sera alors plus avantageuse.

Le quo­rum-sen­sing per­met aux bac­té­ries de chan­ger de com­por­te­ment une fois que la popu­la­tion a atteint un cer­tain seuil. La pro­duc­tion de molé­cule de com­mu­ni­ca­tion est pro­por­tion­nelle à la popu­la­tion bac­té­rienne. Plus il y a de bac­té­ries et plus la pro­duc­tion est importante.

Mécanisme moléculaire du quorum-sensing

Le méca­nisme molé­cu­laire de quo­rum-sen­sing peut être divi­sé en trois étapes : la pro­duc­tion d’une molé­cule de com­mu­ni­ca­tion, sa détec­tion par une autre bac­té­rie et enfin un chan­ge­ment de comportement.

Une fois que la molé­cule de com­mu­ni­ca­tion a été pro­duite, elle est libé­rée dans l’en­vi­ron­ne­ment autour de la bac­té­rie. À ce moment d’autres bac­té­ries peuvent détec­ter cette molé­cule. Lorsque la concen­tra­tion de la molé­cule de com­mu­ni­ca­tion (et donc la popu­la­tion bac­té­rienne) a atteint un cer­tain seuil, elle va être détec­tée via un récep­teur cel­lu­laire. Cette recon­nais­sance peut être com­pa­rée à une “clé” qui ouvre une “ser­rure”. Une fois lié avec la molé­cule le récep­teur va avoir un effet régu­la­teur au niveau de l’ADN pour chan­ger le com­por­te­ment de la bac­té­rie. Plusieurs méca­nismes cel­lu­laires peuvent ain­si être régu­lés par le quo­rum-sen­sing :

Un système complexe dans l’environnement

Le quo­rum-sen­sing repose sur un ensemble de molé­cules de com­mu­ni­ca­tions. Elles ont toutes le même rôle de “recen­se­ment” mais sont pro­duites et détec­tées par des espèces bac­té­riennes différentes. 

Exemples de molé­cules de quo­rum-sen­sing de la famille homo­sé­rine lac­tone. À par­tir d’une struc­ture chi­mique de base com­mune, il existe plu­sieurs molé­cules recon­nues ou non par des bac­té­ries. (ins­pi­rée de la figure 2 de Liu et al., 2018)

Le quo­rum-sen­sing peut ser­vir pour syn­chro­ni­ser le com­por­te­ment de bac­té­ries de la même espèce. Mais d’autres cas de figures sont pos­sibles dans des éco­sys­tèmes avec de nom­breux micro-orga­nismes dif­fé­rents. Certaines bac­té­ries vont com­mu­ni­quer entre elles en pro­dui­sant un type (ou plu­sieurs) de molécule(s) de quo­rum-sen­sing. D’autres bac­té­ries vont détec­ter des molé­cules de quo­rum-sen­sing et se syn­chro­ni­ser avec leur voi­sines mais sans pro­duire elles-mêmes de molécules.

La com­mu­ni­ca­tion par quo­rum-sen­sing peut se faire entre des bac­té­ries de la même espèces ou d’espèces dif­fé­rentes. Dans des éco­sys­tèmes com­plexes, plu­sieurs cas peuvent avoir lieu en même temps.

Quorum quenching : bloquer le quorum sensing

Le quo­rum quen­ching cor­res­pond à l’en­semble des méca­nismes capables d’in­hi­ber le quo­rum sen­sing. Par exemple en dégra­dant les molé­cules de com­mu­ni­ca­tions impli­quées dans le quo­rum sen­sing ou en blo­quant les récep­teurs à ces mêmes molé­cules. Ces méca­nismes sont mis en place par cer­tains orga­nismes, comme des plantes par exemple, pour limi­ter le quo­rum sen­sing et les com­por­te­ments asso­ciés comme la viru­lence ou la for­ma­tion de bio­films.

Certaines bac­té­ries peuvent pro­duire des enzymes capables de dégra­der leur propres molé­cules de quo­rum-sen­sing. Ce méca­nisme per­met un recy­clage des molé­cules de communications.

Références bibliographiques

Grandclément, C., Tannières, M., Moréra, S., Dessaux, Y., & Faure, D. (2015). Quorum quen­ching : Role in nature and applied deve­lop­ments. FEMS Microbiology Reviews, 40(1), 86116. doi:10.1093/femsre/fuv038 (lien)

Liu, J., Fu, K., Wu, C., Qin, K., Li, F., & Zhou, L. (2018). “In-Group” Communication in marine Vibrio : A Review of N‑acyl homo­se­rine lac­tones-dri­ven quo­rum sen­sing. Frontiers in Cellular and Infection Microbiology, 8. doi:10.3389/fcimb.2018.00139 (lien)

Mukherjee, S., & Bassler, B. L. (2019). Bacterial quo­rum sen­sing in com­plex and dyna­mi­cal­ly chan­ging envi­ron­ments. Nature Reviews Microbiology. doi:10.1038/s41579-01901865 (lien)