Les poils des chiens sont-ils plus propres que ceux des barbes ?

Posté : 5 octobre 2019 / Mis-à-jour : 7 avril 2024


Temps de lecture : 6 minutes

Catégorie : Santé

Des chercheurs suisses se sont demandés s’il était hygiénique d’utiliser les mêmes machines IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) pour les humains et les animaux. L’utilisation de ces machines par les animaux permettrait de faire face au peu d’équipements présents au niveau vétérinaire. Pour étudier l’hygiène, les quantités de bactéries présentes sur les poils de chiens et les poils de barbe ont été comparées. Quels sont les résultats ?

Quel est le principe de l’étude ?

Des prélèvements ont ainsi été réalisés chez trente chiens (de 16 races différentes) et chez 18 hommes barbus. Les bactéries sont prélevées en utilisant un dispositif appelé gélose contact qui correspond à un milieu de culture pour bactérie contenu dans une boite en plastique (boite de Petri). Cette gélose est appliquée sur une surface pour prélever les micro-organismes présents dessus. Dans le cadre de cette étude, ces géloses contacts ont été posées directement sur les poils. Après incubation, il est possible de dénombrer les bactéries qui ont été transférées sur la gélose.

Schéma d'utilisation d'une gélose contacte
Schéma d’un prélèvement avec une gélose contact. Celle-ci est placée en contact direct avec la surface à analyser. Après le contact, la gélose est incubée dans les conditions voulues pour la croissance microbienne.

Comment compter les bactéries ?

Une fois les bactéries transférées, elles se trouvent sur une gélose composée d’agar-agar ainsi que de différentes nutriments, permettant la croissance bactérienne. Les bactéries, déposées à la surface, vont ainsi utiliser les nutriments présents dans ces géloses pour se développer à leur surface. Il est impossible de voir directement une bactérie sur ces géloses car la taille des bactéries est d’environ 1 µm (soit 0,001 mm) ce qui inférieur à ce que l’on peut voir à l’œil nu.

Par contre, on peut observer à l’œil nu des « tas » de bactéries appelés colonie qui font de quelques mm à quelques cm. Ceux-ci correspondent à des bactéries qui ont été en contact avec la gélose et qui se sont développées à sa surface. La colonie se forme autour de la première bactérie a avoir touché la gélose. Au fur et à mesure de la croissance bactérienne, des bactéries vont se multiplier à côté de la première jusqu’à former des colonies pouvant contenir trois milliards de bactéries (Bionumbers). On considère que chaque colonie présente sur la gélose correspond initialement à une bactérie. On utilise le terme UFC (unité formant colonie) qui correspond au nombre initial de bactérie.

Schéma de la formation d'une colonie bactérienne

En fonction du nombre de colonies sur la gélose il est ainsi possible d’estimer la quantité de bactéries présentes initialement. Cette étude utilise trois catégories pour le dénombrement : faible (0 à 10 UFC), modéré (11 à 30 UFC) et élevé (plus de 30 bactéries).

Combien de bactéries dans une barbe ?

Parmi les prélèvements chez les hommes, la totalité présentait un nombre élevé d’UFC tandis que seulement 23 chiens sur 30 ont un tel niveau. Les autres chiens ayant un nombre modéré d’UFC.

Résultats de l'étude : nombre d'UFC détecté pour les poils humains vs poils de chiens.

Le nombre de bactéries (ou d’UFC) n’est pas un indicateur d’hygiène en soi même. En effet, les bactéries présentes sur la peau ne sont pas forcément négatives pour la santé humaine et certaines ont même un rôle positif [1]. La peau humaine est naturellement recouverte de bactéries qui l’aident à se défendre contre d’autres micro-organismes nocifs (pathogènes). De précédentes études avait quantifié la densité de bactéries qui constitue ce microbiome cutané [2]. Dans des conditions normales, cette densité varie de 1 700 à 4 400 et de 4 800 à 110 000 000 bactéries par cm² pour les zones sèches et humides de la peau respectivement.

Schéma de la peau et du microbiome cutané
Schéma simplifié de la peau et du microbiome associé. Les glandes sébacées et sudoripares produisent respectivement le sébum et la sueur. La flore microbienne sur l’épiderme protège des micro-organismes pathogènes.

Les bactéries de la barbe sont-elles dangereuses ?

Deux espèces bactériennes pathogènes (c’est-à-dire capables d’infecter un humain) ont été retrouvées parmi les prélèvements : Enterococcus faecalis dans cinq barbes et Staphylococcus aureus dans deux barbes respectivement. Ces bactéries sont dites pathogène opportuniste car leur présence n’implique par forcément une infection et une maladie. En effet, ces bactéries peuvent être trouvées chez des personnes saines (porteurs sains) et devenir pathogènes seulement lorsque les défenses de l’organisme sont affaiblies (coupure, stress, maladie, … ).

Exemples de bactéries pathogènes opportunistes et des organes où on peut les trouver
Exemples de quelques bactéries pathogènes opportunistes retrouvées chez les humains. Ces bactéries peuvent être présentes chez des porteurs sains sans provoquer de symptômes. Lorsque les conditions deviennent favorable pour ces bactéries, elles peuvent devenir pathogènes.

La bactérie Staphylococcus aureus (également appelée Staphylocoque doré) est retrouvée chez environ 10 à 20 % des humains au niveau des fosses nasales ou de la gorge [3]. Enterococcus faecalis est retrouvé chez 20 % des humains au niveau de la cavité buccale et chez 80 % des humains au niveau du tube digestif [4]. La présence de ces deux bactéries n’est donc pas surprenante puisqu’elles sont naturellement trouvées chez une partie des humains. Malgré le fait qu’elles soient répandues dans la population ces bactéries peuvent quand même poser des problèmes d’hygiènes dans le cadre de milieux hospitaliers où sont présents des personnes avec un système immunitaire affaiblis.

Dans le cadre de cette étude la bactérie Staphylococcus aureus a aussi été trouvée dans les poils d’un chien ainsi qu’une souche d’Enterococcus et deux souches de Moraxella. Le nombre de bactéries pathogènes est donc plus faible chez les chiens (4 / 30) que chez les humains testés (5 / 18). Les auteurs indiquent comme limites à leur étude de ne pas avoir étudié les bactéries présentes sur la peau des femmes et également d’avoir étudié seulement la présence de bactéries et non pas d’autres micro-organismes comme les vers. D’autres limitations pourraient être citées telles que le faible nombre de participants ou la méthode d’étude ne permettant de cultiver qu’une partie limitée des bactéries.

Perspectives de l’étude

Les résultats de cette étude sont donc à relativiser par rapport à ce que certains médias d’informations indiquent. Le but de l’étude n’étant pas de comparer l’hygiène des animaux de compagnie à celle des humains. Pour répondre à la question initiale, il semblerait que l’utilisation des appareils d’IRM par les animaux ne contamine pas le matériel médical plus que les humains.

Référence de l’étude

Gutzeit, A., Steffen, F., Gutzeit, J., Gutzeit, J., Kos, S., Pfister, S., Berlinger, L., Anderegg, M., Reischauer, C., Funke, I., Froehlich, J., Koh, D., & Orasch, C. (2018). Would it be safe to have a dog in the MRI scanner before your own examination? A multicenter study to establish hygiene facts related to dogs and men. European Radiology. doi:10.1007/s00330-018-5648-z (lien)

Pour plus d’informations

[1] Byrd, A. L., Belkaid, Y., & Segre, J. A. (2018). The human skin microbiome. Nature Reviews Microbiology, 16(3), 143–155. doi:10.1038/nrmicro.2017.157 (lien)

[2] Leyden, J. J., McGinley, K. J., Nordstrom, K. M., & Webster, G. F. (1987). Skin microflora. Journal of Investigative Dermatology, 88(s3), 65s–72s. doi:10.1111/1523-1747.ep12468965 (lien)

[3] Horn, J., Stelzner, K., Rudel, T., & Fraunholz, M. (2018). Inside job: Staphylococcus aureus host-pathogen interactions. International Journal of Medical Microbiology, 308(6), 607–624. doi:10.1016/j.ijmm.2017.11.009 (lien)

[4] Kao, P. H. N., & Kline, K. A. (2019). Jekyll and Mr. Hide: How Enterococcus faecalis subverts the host immune response to cause infection. Journal of Molecular Biology. doi:10.1016/j.jmb.2019.05.030 (lien)

Attention

Catégorie santé

Veuillez noter que l'auteur de cet article n'est pas un professionnel de la santé. Les informations fournies dans ce billet de blog le sont uniquement à des fins informatives et ne remplacent en aucun cas l'avis ou le diagnostic d’un médecin qualifié.

Aucun commentaire

  • Et surtout, 18 individus c'est assez peu pour tirer de grandes conclusions quant à l'hygiène des barbes en général. D'autant que l'étude de la flore cutanée de l'homme n'était pas le but premier de l'article. C'est fou qu'un petit papier comme ça ait eu tant de visibilité.
    Spicy Tigrou
    11/10/2019

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