Quelle bactérie modèle pour les études dans l’espace ?
Posté : 13 octobre 2019 / Mis-à-jour : 7 avril 2024
Temps de lecture : 4 minutes
En plus d’être présents sur Terre, les micro-organismes peuvent aussi être trouvés dans les stations spatiales construites par les humains. Ces micro-organismes pourraient être utilisés pour le traitement des eaux usées dans l’espace ou la production de médicaments. Cependant, dans certains cas, ils peuvent aussi conduire à des maladies.
La faible gravité (micropesanteur) présente à bord des stations spatiales et les rayonnements cosmiques peuvent affaiblir le système immunitaire des astronautes les rendant ainsi plus susceptibles à ces micro-organismes. De plus ces phénomènes peuvent aussi avoir un impact sur les micro-organismes. Par exemple, la bactérie Salmonella Typhimurium est plus virulente lorsqu’elle est étudiée en micropesanteur. L’étude de micro-organismes dans l’espace doit tenir compte de leur pouvoir pathogène et du risque associé pour les astronautes. Ces études dans l’espace ou sur Terre repose sur l’utilisation d’organismes modèles.
Organismes modèles
En biologie, les études scientifiques se concentrent généralement sur quelques organismes bien connus (ex : souris) appelés organismes modèles. À partir des résultats obtenus pour ces organismes, on peut ensuite étudier plus facilement d’autres organismes proches. Un organisme modèle doit être facile à cultiver, avoir un temps de génération court, ne pas être pathogène, …
En microbiologie, les bactéries modèles couramment utilisées sont par exemple Escherichia coli et Bacillus subtilis. Une récente étude propose d’utiliser la souche bactérienne Vibrio natriegens comme modèle d’étude pour les cultures en micropesanteur.
Vibrio natriegens
Vibrio natriegens est l’une des bactéries connues se développant le plus vite. Son temps de génération est inférieur à 10 minutes. C’est-à-dire qu’il faut moins de 10 minutes à cette bactérie pour se reproduire et doubler sa population. En une heure, il est ainsi possible de passer de 1 à 64 bactéries. Pour comparaison, Escherichia coli une bactérie couramment utilisée en laboratoire, possède un temps de génération de 20 minutes. Le temps de génération court de Vibrio natriegens permet d’obtenir facilement une grande quantité de cette bactérie.
En plus d’être rapide et facile à cultiver, Vibrio natriegens possède d’autres avantages comme celui d’être non pathogène pour les humains. La séquence de son ADN est connue. Des outils génétiques existent pour cette bactérie ce qui facilite son étude.
Culture et résistance aux antibiotiques en micro-gravité
Certaines bactéries deviennent résistantes aux antibiotiques lorsqu’elles sont en cultivées micropesanteur. Une expérience est donc réalisée pour tester la sensibilité de Vibrio natriegens à un antibiotique (rifampicine) lors de cultures en micropensanteur.
L’expérience n’est pas réalisée directement dans l’espace mais sur Terre. Pour cela, un appareil appelé clinostat est utilisé pour réduire les effets de la gravité terrestre et ainsi simuler la micropesanteur. Cet appareil est un moteur faisant tourner un disque autour d’un axe (60 rotations par minute dans cette étude). Les bactéries présentes sur un milieu solide dans des boites de Petri qui sont attachées à cet appareil subissent une rotation autour d’un axe.
Au bout de 24 heures de cultures, le nombre de bactéries est plus important en micropesanteur simulée que pour les cultures immobiles. La micropesanteur semble donc favoriser la culture de cette bactérie. Des observations en microscopie optique n’indiquent pas de différences de forme (morphologie) après culture en micropesanteur simulée. L’antibiotique testé est aussi efficace sur les bactéries ayant subi ou non la micropesanteur. Cela indique que l’efficacité n’est pas modifié par la culture micropesanteur.
Perspectives de l’étude
Les résultats de cette étude indiquent que Vibrio natriegens pourrait être une souche bactérienne intéressante pour les études en micropesanteur.
Les résultats des études dans l’espace ou sur Terre peuvent apporter des informations utiles en dehors de l’aérospatiale. Par exemple, mieux comprendre comment les micro-organismes deviennent pathogènes ou alors développer de nouvelles méthodes de cultures sur Terre.
Référence de l’étude
Garschagen, L. S., Mancinelli, R. L., & Moeller, R. (2019). Introducing Vibrio natriegens as a microbial model organism for microgravity research. Astrobiology. doi:10.1089/ast.2018.2010 (lien)
Pour plus d’informations
Higginson, E. E., Galen, J. E., Levine, M. M., & Tennant, S. M. (2016). Microgravity as a biological tool to examine host–pathogen interactions and to guide development of therapeutics and preventatives that target pathogenic bacteria. Pathogens and Disease, 74(8), ftw095. doi:10.1093/femspd/ftw095 (lien)
Payne, W. J., Eagon, R. G., & Williams, A. K. (1961). Some observations on the physiology of Pseudomonas natriegens nov. spec. Antonie van Leeuwenhoek, 27(1), 121–128. doi:10.1007/bf02538432 (lien)
Rosenzweig, J. A., Ahmed, S., Eunson, J., & Chopra, A. K. (2014). Low-shear force associated with modeled microgravity and spaceflight does not similarly impact the virulence of notable bacterial pathogens. Applied Microbiology and Biotechnology, 98(21), 8797–8807. doi:10.1007/s00253-014-6025-8 (lien)
Weinstock, M. T., Hesek, E. D., Wilson, C. M., & Gibson, D. G. (2016). Vibrio natriegens as a fast-growing host for molecular biology. Nature Methods, 13(10), 849–851. doi:10.1038/nmeth.3970 (lien)
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