Est-on vraiment composé de plus de bactéries que de cellules humaines ?

Temps de lec­ture : 4 minutes

De nom­breuses bac­té­ries sont pré­sentes dans et sur le corps humain. Elles seraient même plus nom­breuses que les cel­lules de notre propre corps. Le chiffre de 10 bac­té­ries pour une cel­lule humaine revient sou­vent dans la lit­té­ra­ture scien­ti­fique et dans la vul­ga­ri­sa­tion. Mais d’où vient cette estimation ?

Des scien­ti­fiques se sont inté­res­sés à ce mythe de 10 bac­té­ries /​ 1 cel­lule humaine. Ce ratio date des années 1970. Celui-ci ne pro­vient pas direc­te­ment d’un dénom­bre­ment de cel­lules mais plu­tôt d’es­ti­ma­tions plus ou moins précises. 

Estimation du nombre de bactéries

L’estimation du nombre de bac­té­ries repo­sait uni­que­ment sur celles pré­sentes dans le tube diges­tif. Il est esti­mé que le conte­nu du tube diges­tif est de 1 litre et avec une den­si­té de 1011 bac­té­ries par gramme (de poids humide). En mul­ti­pliant, ces deux valeurs ensemble, on obtient 1014 bac­té­ries dans l’in­tes­tin. De nou­velles don­nées scien­ti­fiques per­mettent de recon­si­dé­rer ces esti­ma­tions. Par exemple, la quan­ti­té de bac­té­ries n’est pas uni­forme dans tout le tube diges­tif mais varie.

Comparaison du nombre de bactéries présentes dans les différentes partie du tube digestif.
Les bac­té­ries se trouvent prin­ci­pa­le­ment au niveau du tube digestif.

Comment dénombrer l’ensemble des cellules humaines ?

Des don­nées plus pré­cises sont recher­chées dans la lit­té­ra­ture scien­ti­fique pour cal­cu­ler le ratio cel­lules humaines /​ bac­té­riennes. Ces cal­culs sont d’a­bords réa­li­sés pour un “homme de réfé­rence” (70 kg, 170 cm et un âge entre 20 et 30 ans). 

Les pré­cé­dentes esti­ma­tions du nombre de cel­lules dans le corps humain se basaient sur le poids moyen d’une cel­lule com­pa­ré au poids de l’in­di­vi­du. Cela ne tient pas compte que des cel­lules dif­fé­rentes vont avoir un poids dif­fé­rent. Les auteurs de cette étude se basent sur une esti­ma­tion du nombre de cel­lules pour les six prin­ci­paux types cel­lu­laires que l’on trouve chez les humains.

Types cellulaires étudiés dans cette publication.
Les six types cel­lu­laires uti­li­sées dans cette étude car consi­dé­ré comme les plus abon­dants dans le corps humain.

Avec les nou­velles esti­ma­tions, le ratio bac­té­rie /​ cel­lule humaine est de 1 bac­té­rie /​ 1 cel­lule et non plus 10 /​ 1. Cette esti­ma­tion est aus­si cal­cu­lée pour une femme : le ratio bac­té­rie /​ cel­lule humaine est alors de 2 /​ 1. Cette dif­fé­rence n’est pas due à la flore micro­bienne vagi­nale qui a peu d’im­pact pour le ratio. Quatre para­mètres ont été rete­nus pour cal­cu­ler le ratio pour plu­sieurs popu­la­tions. Ce modèle mathé­ma­tique per­met d’a­dap­ter ce ratio selon le volume du colon et la den­si­té de bac­té­ries ain­si que selon le volume de sang et la quan­ti­té de glo­bules rouges.

Une estimation encore à améliorer ?

Le ratio cel­lules humaine /​ bac­té­ries peut chan­ger au cours de la vie selon dif­fé­rents paramètres :

- l’âge

- le régime alimentaire

- la prise d’anti­bio­tiques

- d’é­ven­tuelles maladies

Outre ces para­mètres bio­lo­giques, l’es­ti­ma­tion du nombre de micro-orga­nismes peut aus­si chan­ger en fonc­tion des défi­ni­tions que l’on uti­lise pour carac­té­ri­ser une cellule.

Une question de définition ?

Les glo­bules rouges n’é­taient pas rete­nus dans cer­taines des esti­ma­tions du nombre de cel­lules humaines pré­cé­dentes car il s’a­git de cel­lules inca­pables de se divi­ser. En effet, durant la matu­ra­tion des glo­bules rouges, le noyau est éjec­té et les orga­nites sont dégra­dés. Les glo­bules rouges sont donc anu­cléés et inca­pables de se répli­quer. Les glo­bules rouges sont ain­si consi­dé­rés par cer­taines per­sonnes comme juste des “sacs à hémo­glo­bine” et non pas comme des cel­lules. Or les glo­bules rouges repré­sentent 84 % des cel­lules humaines selon cette étude. La défi­ni­tion de glo­bules rouges comme cel­lules ou non a un impact impor­tant lors de ces calculs.

Schéma de la maturation des globules rouges.
Au cours de la matu­ra­tion des glo­bules rouges, le noyau est éjec­té et les orga­nistes dégra­dés. Au fur et à mesure de la matu­ra­tion, il y a syn­thèse d’hé­mo­glo­bine qui ser­vi­ra à la fixa­tion de l’oxy­gène. Ne pos­sé­dant plus de noyau et d’or­ga­nites, un glo­bule rouge ne peut plus se divi­ser pour for­mer de nou­velles cellules.

Les auteurs pro­posent même de pous­ser le débat plus loin en se ques­tion­nant sur la nature des mito­chon­dries. Il s’a­git d’un com­po­sant de base des cel­lules humaines (et euca­ryote de façon géné­rale) pro­ve­nant à la base de la cap­ture d’une bac­té­rie. Cette ancienne bac­té­rie a per­du peu à peu son auto­no­mie et elle est deve­nue inca­pable de se déve­lop­per en dehors de sa cel­lule hôte (théo­rie endo-sym­bio­tique). Elle est deve­nue est un com­po­sant des cel­lules euca­ryotes. Considérer les mito­chon­dries comme des bac­té­ries chan­ge­rait éga­le­ment ce rapport.

Principe de l'endo-symbiose et acquisition des mitochondries.
Les mito­chon­dries pro­viennent d’une ancienne bac­té­rie pha­go­cy­tée par une cel­lule pré-euca­ryote. Suite à la dis­pa­ra­tion de la vacuole de diges­tion, la bac­té­rie a pu se déve­lop­per dans le cyto­plasme de la cel­lule. Au fur et à mesure de l’é­vo­lu­tion, la bac­té­rie a per­du son auto­no­mie. De nom­breux gènes ont été trans­fé­rés au niveau du noyau.

Intérêt de l’étude

Comme l’in­diquent les auteurs de l’é­tude, cette nou­velle esti­ma­tion n’est pas gra­vée dans la roche et sera ame­née à chan­ger avec l’obtention de nou­veaux résul­tats scien­ti­fiques. Cette étude ne remet pas en cause l’im­por­tance des bac­té­ries pour le corps humain. Mais elle ques­tionne sur la per­ti­nence de ce rap­port 10 bac­té­ries pour 1 cel­lule humaine.

Référence de l’étude

Sender, R., Fuchs, S., & Milo, R. (2016). Revised esti­mates for the num­ber of human and bac­te­ria cells in the body. PLoS Biology, 14(8), e1002533. doi:10.1371/journal.pbio.1002533 (lien) 


Bibliographie com­plé­men­taire

Grosso, R., Fader, C. M., & Colombo, M. I. (2017). Autophagy : A neces­sa­ry event during ery­thro­poie­sis. Blood Reviews, 31(5), 300305. doi:10.1016/j.blre.2017.04.001 (lien)

Rosner, J. (2014) Ten times more micro­bial cells than body cells in humans ? Microbe (Washington, D.C.) 9(2):4747 DOI:10.1128/microbe.9.47.2 (lien)

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