Est-on vraiment composé de plus de bactéries que de cellules humaines ?
Posté : 9 novembre 2019 / Mis-à-jour : 7 avril 2024
Temps de lecture : 4 minutes
De nombreuses bactéries sont présentes dans et sur le corps humain. Elles seraient même plus nombreuses que les cellules de notre propre corps. Le chiffre de 10 bactéries pour une cellule humaine revient souvent dans la littérature scientifique et dans la vulgarisation. Mais d’où vient cette estimation ?
Des scientifiques se sont intéressés à ce mythe de 10 bactéries / 1 cellule humaine. Ce ratio date des années 1970. Celui-ci ne provient pas directement d’un dénombrement de cellules mais plutôt d’estimations plus ou moins précises.
Estimation du nombre de bactéries
L’estimation du nombre de bactéries reposait uniquement sur celles présentes dans le tube digestif. Il est estimé que le contenu du tube digestif est de 1 litre et avec une densité de 1011 bactéries par gramme (de poids humide). En multipliant, ces deux valeurs ensemble, on obtient 1014 bactéries dans l’intestin. De nouvelles données scientifiques permettent de reconsidérer ces estimations. Par exemple, la quantité de bactéries n’est pas uniforme dans tout le tube digestif mais varie.
Comment dénombrer l’ensemble des cellules humaines ?
Des données plus précises sont recherchées dans la littérature scientifique pour calculer le ratio cellules humaines / bactériennes. Ces calculs sont d’abords réalisés pour un « homme de référence » (70 kg, 170 cm et un âge entre 20 et 30 ans).
Les précédentes estimations du nombre de cellules dans le corps humain se basaient sur le poids moyen d’une cellule comparé au poids de l’individu. Cela ne tient pas compte que des cellules différentes vont avoir un poids différent. Les auteurs de cette étude se basent sur une estimation du nombre de cellules pour les six principaux types cellulaires que l’on trouve chez les humains.
Avec les nouvelles estimations, le ratio bactérie / cellule humaine est de 1 bactérie / 1 cellule et non plus 10 / 1. Cette estimation est aussi calculée pour une femme : le ratio bactérie / cellule humaine est alors de 2 / 1. Cette différence n’est pas due à la flore microbienne vaginale qui a peu d’impact pour le ratio. Quatre paramètres ont été retenus pour calculer le ratio pour plusieurs populations. Ce modèle mathématique permet d’adapter ce ratio selon le volume du colon et la densité de bactéries ainsi que selon le volume de sang et la quantité de globules rouges.
Une estimation encore à améliorer ?
Le ratio cellules humaine / bactéries peut changer au cours de la vie selon différents paramètres :
– l’âge
– le régime alimentaire
– la prise d’antibiotiques
– d’éventuelles maladies
Outre ces paramètres biologiques, l’estimation du nombre de micro-organismes peut aussi changer en fonction des définitions que l’on utilise pour caractériser une cellule.
Une question de définition ?
Les globules rouges n’étaient pas retenus dans certaines des estimations du nombre de cellules humaines précédentes car il s’agit de cellules incapables de se diviser. En effet, durant la maturation des globules rouges, le noyau est éjecté et les organites sont dégradés. Les globules rouges sont donc anucléés et incapables de se répliquer. Les globules rouges sont ainsi considérés par certaines personnes comme juste des « sacs à hémoglobine » et non pas comme des cellules. Or les globules rouges représentent 84 % des cellules humaines selon cette étude. La définition de globules rouges comme cellules ou non a un impact important lors de ces calculs.
Les auteurs proposent même de pousser le débat plus loin en se questionnant sur la nature des mitochondries. Il s’agit d’un composant de base des cellules humaines (et eucaryote de façon générale) provenant à la base de la capture d’une bactérie. Cette ancienne bactérie a perdu peu à peu son autonomie et elle est devenue incapable de se développer en dehors de sa cellule hôte (théorie endo-symbiotique). Elle est devenue est un composant des cellules eucaryotes. Considérer les mitochondries comme des bactéries changerait également ce rapport.
Intérêt de l’étude
Comme l’indiquent les auteurs de l’étude, cette nouvelle estimation n’est pas gravée dans la roche et sera amenée à changer avec l’obtention de nouveaux résultats scientifiques. Cette étude ne remet pas en cause l’importance des bactéries pour le corps humain. Mais elle questionne sur la pertinence de ce rapport 10 bactéries pour 1 cellule humaine.
Référence de l’étude
Sender, R., Fuchs, S., & Milo, R. (2016). Revised estimates for the number of human and bacteria cells in the body. PLoS Biology, 14(8), e1002533. doi:10.1371/journal.pbio.1002533 (lien)
Pour plus d’informations
Grosso, R., Fader, C. M., & Colombo, M. I. (2017). Autophagy: A necessary event during erythropoiesis. Blood Reviews, 31(5), 300–305. doi:10.1016/j.blre.2017.04.001 (lien)
Rosner, J. (2014) Ten times more microbial cells than body cells in humans? Microbe (Washington, D.C.) 9(2):47-47 DOI:10.1128/microbe.9.47.2 (lien)
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