Les vidéos sont-elles un bon support pour apprendre la microbiologie ?

Posté : 27 août 2021 / Mis-à-jour : 24 mars 2024


Temps de lecture : 5 minutes

Catégorie : Enseignement

L’essor des nouvelles technologies permet la mise en places d’approches originales dans le domaine de l’éducation. Ces nouvelles technologies peuvent améliorer l’apprentissage ou l’intérêt des élèves. Dans le domaine de la microbiologie, plusieurs technologies ont été testées. Cela peut se traduire par l’impression en 3D de molécules pour mieux visualiser comment elles interagissent ensembles [1]. Des jeux vidéos éducatifs (serious games) sont également une nouvelle méthode qui peut compléter celles plus classiques. À ces nouvelles méthodes s’ajoute aussi par l’utilisation de vidéos [2].

Des enseignants de l’université nationale d’Irlande à Galway ont élaboré une série de vidéos pour aider à l’apprentissage des gestes techniques en microbiologie. Quels sont les avantages de cette approche ?

De quoi parlent ces vidéos ?

Ces vidéos s’adressent à un public d’étudiants en licence (bachelor’s degree) et ont pour thème les techniques classiques de culture, de coloration et d’identification des micro-organismes. À cela s’ajoute la démonstration d’appareils et de techniques de biologie moléculaire. On retrouve par exemple :

isolement d’une bactérie ;

– préparation de dilutions en cascade ;

– comptage de colonies ;

– utilisation d’un microscope optique ;

coloration de Gram ;

– détection d’ADN par PCR ;

– détection de protéines par western blot

Au total 41 vidéos ont été mises en ligne sur la plateforme Youtube (lien).

Quel est l’avantage de réaliser des vidéos ?

Ces vidéos correspondent à une formation dite « asynchrone ». Dans une formation en classe traditionnelle, tous les élèves apprennent en même temps, ils sont donc « synchrones ». Des interactions en « temps réels » sont possibles entre les élèves et le professeur. Au contraire avec ces vidéos, l’apprentissage n’a pas lieu au même moment pour chaque élève. La formation est donc dite « asynchrone ».

Comparaison formation synchrone et asynchrone

Cette méthode d’apprentissage asynchrone fournit plusieurs avantages tels que :

– Les élèves peuvent faire des pauses dans les vidéos et revenir sur les points qu’ils ont mal compris.

– Elle offre de la flexibilité à l’élève, lui permettant d’apprendre à son rythme.

– Les étudiants peuvent revenir sur les points sur lesquels ils ont des problèmes sans interrompre les autres élèves.

Le format vidéo présente un autre présente avantage plus spécifique aux travaux pratiques. En effet, la caméra étant près du manipulateur, les gestes techniques sont bien visibles par tous. Cela n’est pas forcément le cas en salle de TP lorsque plusieurs personnes se groupent devant le professeur qui réalise le geste technique.

Comment ont été préparées ces vidéos ?

En plus de l’équipe d’enseignants, un professionnel du domaine de la vidéo a été engagé pour ce projet. Les manipulations filmées sont réalisées par quatre doctorants. Après avoir répété, pendant deux semaines, les techniques qui allaient être filmées, les vidéos ont été tournées en huit jours. Le montage et la post-production ont duré 6 mois. Le montage des vidéos a été réalisé en plusieurs étapes séparées par environ 400 heures d’analyses et de retours par l’équipe scientifique. Toutes les informations non nécessaires ont été éliminées pour ne pas perturber l’apprentissage. Au cours du montage des enregistrements audio ont aussi été réenregistrés et synchronisés avec les informations visuelles.

Schéma montrant la préparation des vidéos

Des formats courts (3 à 6 minutes) ont été choisis pour favoriser l’attention et l’intérêt des élèves. Faire des vidéos les plus courtes possible permet d’améliorer l’apprentissage et favorise le revisionnage [3]. Les sujets complexes ont été divisés en plusieurs vidéos selon ce principe.

Comparaison de la durée de visionnage et de la durée des vidéos.
Durée de visionnage de vidéo en fonction de leur durée. Plus la durée de la vidéo augmente et plus diminue la durée de visionnage. Données simplifiées à partir de la figure 2 de Guo et al., 2014 [3].

Des annotations et animations ont été ajoutées pour attirer l’attention des étudiants sur certains éléments. L’ajout d’animations est également une méthode connue pour améliorer l’apprentissage comparée à des images statiques [4].

Exemples d'animations et d'annotations sur les vidéos
Exemples d’animations et d’annotations sur les vidéos. © Microbiology teaching videos at NUI Galway

La plateforme Youtube a été choisis pour sa facilité d’utilisation. La possibilité d’ajouter des sous-titres au vidéos dans d’autres langues a aussi eu un impact sur le choix de cette plateforme.

Une animation d’introduction et des crédits ont été rajoutés à chaque vidéo pour assurer une homogénéité et donner une image de marque. Le fait que ces vidéos soient regroupées au même endroit facilite l’accès pour les étudiants. Ils n’ont pas besoin de rechercher sur internet parmi les nombreuses options possibles.

Ces vidéos sont-elles efficaces ?

Les étudiants ont répondu à des questionnaires anonymes sur internet par rapport à cette approche pédagogique. Les réponses des étudiants indiquent qu’ils ont mieux compris les notions abordées via les vidéos. Ces réponses indiquent aussi que pour eux cela a été utile que les vidéos soient tournées dans leurs lieux de cours. En effet, le matériel utilisé est le même que durant leurs séances de TP, contrairement à d’autres vidéos sur le même sujet mais avec du matériel différent. La majorité des étudiants souhaitant même avoir de telles vidéos pour les autres matières.

Perspectives de l’étude

Ces vidéos ont permis une approche dite de « pédagogie inversée ». Les étudiants étaient invités à visualiser les vidéos avant de venir en séances de TP. Ils pouvaient ensuite reproduire ce qu’ils avaient vus.

Ces vidéos sont un support intéressant pour compléter les cours théoriques et les TP. De plus ces vidéos sont sans publicités et ont été réalisées avec rigueur scientifique. Quinze mois après leurs mises en lignes ces supports de cours ont été vues plus de 40 000 fois et dans 47 pays.

Des vidéos similaires ont été réalisées par d’autres structures de formation. Par exemple, le cégep François-Xavier Garneau (collège d’enseignement général et professionnel), au Canada (lien).

Référence de l’étude

Lacey, K., & Wall, J. G. (2020). Video-based learning to enhance teaching of practical microbiology. FEMS microbiology letters, fnaa203. Advance online publication. https://doi.org/10.1093/femsle/fnaa203 (lien)


Bibliographie complémentaire

[1] Gordy, C. L., Sandefur, C. I., Lacara, T., Harris, F. R., & Ramirez, M. V. (2020). Building the lac operon: A guided-inquiry activity using 3D-printed models. Journal of microbiology & biology education, 21(1), 21.1.28. doi.org/10.1128/jmbe.v21i1.2091 (lien)

[2] Sherer, P., & Shea, T. (2011). Using online video to support student learning and engagement. College Teaching, 59(2), 56–59. doi:10.1080/87567555.2010.511313 (lien)

[3] Philip J. Guo, Juho Kim, and Rob Rubin. 2014. How video production affects student engagement: An empirical study of MOOC videos. In Proceedings of the first ACM conference on Learning @ scale conference (L@S ’14). Association for Computing Machinery, New York, NY, USA, 41–50. doi.org/10.1145/2556325.2566239 (lien)

[4] O’Day D. H. (2007). The value of animations in biology teaching: A study of long-term memory retention. CBE life sciences education, 6(3), 217–223. doi.org/10.1187/cbe.07-01-0002 (lien)

Aucun commentaire

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *