Recycler des déchets électroniques avec des micro-organismes ?

Posté : 11 octobre 2019 / Mis-à-jour : 24 mars 2024


Temps de lecture : 3 minutes

Catégorie : Industrie

« Microbes » et « nanoparticules« , voici deux mots qui peuvent faire peur séparément alors imaginez l’effet, lorsqu’ils sont associés dans une même phrase. Dans le cas décrit pas des scientifiques japonais, il n’y a pas besoin de crier à la panique. En effet, les microbes sont simplement utilisés pour récupérer sous formes de nanoparticules des métaux rares à partir de déchets électroniques.

De nombreux appareils électroniques sont actuellement produits par l’industrie. Ces appareils nécessitent des métaux rares, pour certains de leurs composants, ce qui est une ressource limitée. Des approches sont actuellement développées pour recycler ces métaux rares. Elles consistent notamment à dissoudre ces métaux dans une solution acide pour les obtenir sous forme liquide (à l’état d’ions). Il est ensuite possible de récupérer ces métaux sous forme solide via l’action de micro-organismes.

Dessin d'illustration d'un circuit imprimé
Le palladium est l’un des métaux pouvant être retrouvés dans les déchets électroniques comme les circuits imprimés. On peut retrouver 0,000 012 gramme de palladium par gramme de circuit imprimé [1]. D’autres métaux comme du cuivre, du zinc, de l’étain, du nickel, du plomb sont aussi présents dans ces déchets électroniques.

Production de bio-nanoparticules

Des micro-organismes sont capables de récupérer ces métaux présents à l’état liquide (sous forme d’ions) pour les transformer en nanoparticules (particules dont le diamètre est inférieur à 100 nm). Cette synthèse par les micro-organismes serait plus écologique que les approches physiques et chimiques. La majorité des bactéries utilisées pour la synthèse de ces bio-nanoparticules se développent dans des conditions ni trop acides ni trop basiques [2].

Comparaison de la taille des nanoparticules avec d'autres objets.
Échelle de grandeur comparant la taille moyenne d’une bactérie et d’une nanoparticule. Une nanoparticule peut être 10 à 100 fois plus petite qu’une bactérie. L’échelle utilisée est dite logarithmique car il faut multiplier ou diviser par 10 pour passer d’une graduation à l’autre.

Sulfolobus tokodaii, un micro-organisme qui aime l’acide

La nouveauté de cette étude correspond à l’utilisation d’un micro-organisme se développant dans des conditions « extrêmes » par rapport à celles couramment utilisées. En effet, Sulfolobus tokodaii est une archée qui a été isolée dans une source chaude japonaise. Elle est capable de se développer dans des milieux très acides (pH 2 à 3 ; aussi acide que le jus de citron par exemple) et à une température de 80 °C. Elle est donc parfaitement adaptée aux solutions de dissolutions des métaux qui sont très acides.

Carte d'identité de Sulfolobus tokodaii.

Lors de l’ajout de palladium (Pd) dans le milieu de culture de Sulfolobus tokodaii, l’ion Pd(II) est transformé (réaction de réduction) en Pd(0). Cela se traduit par l’apparition de bio-nanoparticules à base de Pd(0) au niveau de la surface de Sulfolobus tokodaii.

Formation de bionanoparticules par Sulfolobus tokodaii.
Le palladium Pd(II) provenant de la dissolution des déchets électroniques est fixé au niveau de la surface de Sulfolobus tokodaii. Les bio-nanoparticules ainsi formées ont une taille pouvant changer selon les conditions de culture.

Les scientifiques ont réussi à faire changer la taille de ces bio-nanoparticules en faisant varier la composition du milieu dans lequel sont cultivées les archées. Les propriétés de ces nanoparticules dépendent de leur taille via le rapport entre leur surface et leur volume. Ces propriétés permettent notamment d’accélérer des réactions chimiques (rôle de catalyseur).

Perspectives de l’étude

Cette étude offre de nouvelles pistes de recherches pour le recyclage du palladium contenu dans les déchets électroniques.

Référence de l’étude

Kitjanukit, S., Sasaki, K. & Okibe, N. (2019). Production of highly catalytic, archaeal Pd(0) bionanoparticles using Sulfolobus tokodaii. Extremophiles 23: 549. doi.org/10.1007/s00792-019-01106-7 (lien)


Bibliographie complémentaire

[1] Jadhav, U., & Hocheng, H. (2015). Hydrometallurgical recovery of metals from large printed circuit board pieces. Scientific Reports, 5(1). doi:10.1038/srep14574 (lien)

[2] Zhang, X., Yan, S., Tyagi, R. D., & Surampalli, R. Y. (2011). Synthesis of nanoparticles by microorganisms and their application in enhancing microbiological reaction rates. Chemosphere, 82(4), 489–494. doi:10.1016/j.chemosphere.2010.10.023 (lien)

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