Recycler des déchets électroniques avec des micro-organismes ?

Temps de lec­ture : 3 minutes

“Microbes” et “nano­par­ti­cules”, voi­ci deux mots qui peuvent faire peur sépa­ré­ment alors ima­gi­nez l’ef­fet, lors­qu’ils sont asso­ciés dans une même phrase. Dans le cas décrit pas des scien­ti­fiques japo­nais, il n’y a pas besoin de crier à la panique. En effet, les microbes sont sim­ple­ment uti­li­sés pour récu­pé­rer sous formes de nano­par­ti­cules des métaux rares à par­tir de déchets électroniques.

De nom­breux appa­reils élec­tro­niques sont actuel­le­ment pro­duits par l’in­dus­trie. Ces appa­reils néces­sitent des métaux rares, pour cer­tains de leurs com­po­sants, ce qui est une res­source limi­tée. Des approches sont actuel­le­ment déve­lop­pées pour recy­cler ces métaux rares. Elles consistent notam­ment à dis­soudre ces métaux dans une solu­tion acide pour les obte­nir sous forme liquide (à l’é­tat d’ions). Il est ensuite pos­sible de récu­pé­rer ces métaux sous forme solide via l’ac­tion de micro-organismes.

Le pal­la­dium est l’un des métaux pou­vant être retrou­vés dans les déchets élec­tro­niques comme les cir­cuits impri­més. On peut retrou­ver 0,000 012 gramme de pal­la­dium par gramme de cir­cuit impri­mé [1]. D’autres métaux comme du cuivre, du zinc, de l’é­tain, du nickel, du plomb sont aus­si pré­sents dans ces déchets électroniques.

Production de bio-nanoparticules

Des micro-orga­nismes sont capables de récu­pé­rer ces métaux pré­sents à l’é­tat liquide (sous forme d’ions) pour les trans­for­mer en nano­par­ti­cules (par­ti­cules dont le dia­mètre est infé­rieur à 100 nm). Cette syn­thèse par les micro-orga­nismes serait plus éco­lo­gique que les approches phy­siques et chi­miques. La majo­ri­té des bac­té­ries uti­li­sées pour la syn­thèse de ces bio-nano­par­ti­cules se déve­loppent dans des condi­tions ni trop acides ni trop basiques [2].

Comparaison de la taille des nanoparticules avec d'autres objets.
Échelle de gran­deur com­pa­rant la taille moyenne d’une bac­té­rie et d’une nano­par­ti­cule. Une nano­par­ti­cule peut être 10 à 100 fois plus petite qu’une bac­té­rie. L’échelle uti­li­sée est dite loga­rith­mique car il faut mul­ti­plier ou divi­ser par 10 pour pas­ser d’une gra­dua­tion à l’autre.

Sulfolobus tokodaii, un micro-organisme qui aime l’acide

La nou­veau­té de cette étude cor­res­pond à l’u­ti­li­sa­tion d’un micro-orga­nisme se déve­lop­pant dans des condi­tions “extrêmes” par rap­port à celles cou­ram­ment uti­li­sées. En effet, Sulfolobus toko­daii est une archée qui a été iso­lée dans une source chaude japo­naise. Elle est capable de se déve­lop­per dans des milieux très acides (pH 2 à 3 ; aus­si acide que le jus de citron par exemple) et à une tem­pé­ra­ture de 80 °C. Elle est donc par­fai­te­ment adap­tée aux solu­tions de dis­so­lu­tions des métaux qui sont très acides.

Carte d'identité de Sulfolobus tokodaii.

Lors de l’a­jout de pal­la­dium (Pd) dans le milieu de culture de Sulfolobus toko­daii, l’ion Pd(II) est trans­for­mé (réac­tion de réduc­tion) en Pd(0). Cela se tra­duit par l’ap­pa­ri­tion de bio-nano­par­ti­cules à base de Pd(0) au niveau de la sur­face de Sulfolobus toko­daii.

Formation de bionanoparticules par Sulfolobus tokodaii.
Le pal­la­dium Pd(II) pro­ve­nant de la dis­so­lu­tion des déchets élec­tro­niques est fixé au niveau de la sur­face de Sulfolobus toko­daii. Les bio-nano­par­ti­cules ain­si for­mées ont une taille pou­vant chan­ger selon les condi­tions de culture.

Les scien­ti­fiques ont réus­si à faire chan­ger la taille de ces bio-nano­par­ti­cules en fai­sant varier la com­po­si­tion du milieu dans lequel sont culti­vées les archées. Les pro­prié­tés de ces nano­par­ti­cules dépendent de leur taille via le rap­port entre leur sur­face et leur volume. Ces pro­prié­tés per­mettent notam­ment d’accélérer des réac­tions chi­miques (rôle de catalyseur).

Perspectives de l’étude

Cette étude offre de nou­velles pistes de recherches pour le recy­clage du pal­la­dium conte­nu dans les déchets électroniques.

Référence de l’étude

Kitjanukit, S., Sasaki, K. & Okibe, N. (2019). Production of high­ly cata­ly­tic, archaeal Pd(0) bio­na­no­par­ticles using Sulfolobus toko­daii. Extremophiles 23 : 549. doi.org/10.1007/s00792-019011067 (lien)


Bibliographie com­plé­men­taire

[1] Jadhav, U., & Hocheng, H. (2015). Hydrometallurgical reco­ve­ry of metals from large prin­ted cir­cuit board pieces. Scientific Reports, 5(1). doi:10.1038/srep14574 (lien)

[2] Zhang, X., Yan, S., Tyagi, R. D., & Surampalli, R. Y. (2011). Synthesis of nano­par­ticles by microor­ga­nisms and their appli­ca­tion in enhan­cing micro­bio­lo­gi­cal reac­tion rates. Chemosphere, 82(4), 489494. doi:10.1016/j.chemosphere.2010.10.023 (lien)

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